Algérie : Matmour – « on a fissuré le plafond de verre, le Maroc de Regragui l’a fait exploser »

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Dans cette troisième et dernière partie de l’entretien exclusif qu’il a accordé à Afrik-Foot, l’ex-Fennec Karim Matmour évoque ses favoris pour la CAN 2023, les chances de l'Algérie, le plafond de verre brisé par le Maroc en Coupe du monde et revient sur quelques anecdotes savoureuses de sa carrière.

Par Nacym Djender,

La CAN approche à grands pas, quelles sont les chances des Fennecs en Côte d’Ivoire ?

Comme je l’ai dit, il y a de nouveaux joueurs qui arrivent et le staff technique est en train de s’atteler pour que la mayonnaise prenne rapidement. C’est une tâche qui n’est pas évidente. Il y a aussi cette ambition naturelle chez les Algériens lors de chaque CAN. J’espère qu’on fera le meilleur parcours possible…

La CAN est de plus en plus difficile pour toutes les équipes. Si Belmadi et son équipe n’arrivent pas en finale, ça sera considéré comme un échec ? Surtout que beaucoup l’attendent au tournant…

Oh, là ! je ne veux pas m’aventurer sur ce terrain ! (Il rigole). Chacun est libre de penser ce qu’il veut. Moi je sais juste que dans le football, et j’ai souvent vu cela en Ligue des champions, les clubs qui sont éliminés en ¼ de finale, on va dire qu’ils ont fait un mauvais parcours. En fait, si tu perds contre le finaliste ou le vainqueur de la compétition, parce que tu as croisé leur chemin en quart de finale, ta performance devient relative…

Tout dépend du rendement et des prestations de l’équipe lors de cette compétition…

Voilà ! Si tu es juste tombé sur la meilleure équipe du tournoi au mauvais moment… Tu aurais pu tomber sur cette même équipe un peu plus tard, en demi-finale ou en finale, tout devient différent. Les gens vont certainement revoir leurs jugements à ton encontre. C’est très subjectif.

Vos favoris pour cette CAN 2024 ?

Ah, là, c’est un exercice périlleux ! Le niveau des équipes africaines augmente un peu plus lors de chaque CAN. Toutes les équipes ont gagné en stabilité, les joueurs évoluent majoritairement dans de grands clubs. C’est fini l’époque où on pouvait deviner l’issue d’un match en Afrique. Aujourd’hui, il y a plusieurs stars dans pratiquement chaque équipe. N’importe quelle nation peut espérer la gagner. Que ce soit le Nigeria, la Côte d’Ivoire, le Sénégal, le Maroc, l’Égypte ou l’Algérie… Et j’en oublie d’autres certainement. Franchement, c’est difficile de prédire qui va la gagner cette fois, tellement les équipes sont fortes.

« Walid Regragui et ses joueurs ont montré que tout est désormais possible pour les équipes africaines »

Le parcours du Maroc lors du Mondial au Qatar ?

Les Marocains, en tant que pays voisin et frère, nous ont tous fait vibrer au Qatar. Walid Regragui et ses joueurs ont montré que tout est désormais possible pour les équipes africaines. Avant, il y avait comme un plafond de verre au-dessus des sélections africaines et tout le monde pensait que c’était impossible de gagner la Coupe du monde. On va dire qu’après la prestation des Marocains et leur parcours jusqu’en demi-finale du Mondial, tous les rêves sont permis ! On a brisé ce plafond de verre.

En fait, c’est aussi un travail d’ensemble. Toutes les équipes africaines qui ont réalisé de beaux parcours en Coupe du monde ont aidé à ce résultat…

Oui, bien sûr ! Si le Maroc s’est décomplexé au Qatar, c’est aussi parce qu’ils ont vu ceux qui les ont précédés. Je parle au hasard du Cameroun et l’Algérie de 1982, le Nigeria de 1994, du Sénégal de 2002, du Ghana de 2010, de l’Algérie de 2014, etc. Je dirai que, chacun a contribué à fissurer ce plafond de verre au-dessus des sélections africaines et le Maroc de Regragui l’a fait littéralement exploser en 2023 ! C’est une fierté commune pour tout le continent africain.

Vous y avez aussi contribué au Mondial 2010, avec vos anciens coéquipiers en faisant jeu égal (0-0) face à l’Angleterre de John Terry, Rooney, Lampard, Gerard, Heskey, Crouch et les autres…

Oui, un peu aussi. On avait un groupe qui ne craignait personne. On avait une grande confiance en nous, peu importe qui était en face. On n’avait qu’une seule clé : le combat en groupe ! C’est vrai qu’ils avaient une équipe avec de très grands joueurs. Mais on n’avait vraiment peur de rien. Une fois que l’arbitre avait sifflé le début de la rencontre, on était en mode combattants ! On oublie les noms de nos adversaires aussitôt. Beaucoup pensaient qu’on allait se prendre une claque face à l’Angleterre.

Au final, on disait que l’Algérie avait « gagné par 0 à 0 » !

Oui, c’était un nul avec une saveur particulière au vu de toutes les stars qu’on avait en face, mais aussi parce qu’on n’avait pas été ridicules surtout. On avait fait un grand match face à un adversaire des plus solides.

« Rooney m’avait donné un coup et il vient me voir pour me dire… »

Une anecdote à nous raconter lors de ce match face à l’Angleterre de Fabio Capello ?

J’avais joué devant… Je me souviens d’avoir beaucoup couru surtout ! (Il se marre) Sans ballon, et quand je recevais la balle, il fallait que je la garde le plus longtemps possible pour permettre à mes coéquipiers de ressortir. On défendait beaucoup plus, la majeure partie du match. Ce n’était pas évident avec un adversaire comme l’Angleterre.

Vous étiez impressionnés avant le début du match, dans le couloir qui mène vers le terrain ?

Pas du tout. Mais vraiment pas. On avait aussi un gros caractère dans cette équipe.

On se rappelle surtout votre petite altercation avec Rooney pendant le match. Que s’est-il passé au juste entre vous deux ?

Ah, oui, cette action ! Rooney m’avait donné un coup et il vient me voir pour me dire, genre, « lève-toi ! ». Je lui ai dit : « Tu te fous de ma gueule ? Regarde la trace que j’ai sur le visage ! » C’était une altercation comme il en arrive pendant un match de foot. Il y a surtout un truc dont je me souviens lors de ce match contre l’Angleterre. J’ai trouvé ça classe de la part des Anglais. C’est peut-être un détail pour les supporters, mais pour moi ça m’a marqué.

C’est quoi au juste ce détail ?

En fait, après les hymnes nationaux, on se sert la main et tout. Les joueurs anglais nous avaient offert un petit coffret chacun de la part de leur fédération. Il y avait, je crois, un stylo en cadeau et tout était propre dedans. J’ai trouvé cela très classe de leur part. D’habitude, on échange des fanions au nom du pays ou du club qu’on rencontre, mais là, c’était différent. Il y avait de l’attention dans ce petit geste. J’ai bien apprécié ce geste. C’était respectueux. Cela dit, ça ne nous a pas empêchés de leur rentrer dedans dès que l’arbitre a sifflé le début de la rencontre (Il rigole franchement).

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Nacym Djender