Le ministre camerounais du Sport et de l'éducation physique a demandé à ses compatriotes de ne pas supporter un seul footballeur des Lions indomptables, mais toute l'équipe nationale. Objectif : ne pas susciter de frustrations chez les joueurs ayant moins, ou pas, de supporters. Et ainsi éviter des tensions au sein du collectif.
Un pour tous, mais pas tous pour un. C'est le message que le ministre camerounais du Sport et de l'Education physique a lancé, il y a quelques mois, à l'attention des fans de football. Une demande, qui ne serait en aucun cas une obligation, destinée à cimenter le Onze national. C'est bien connu : l'union fait la force. Mais depuis quelques temps, des divisions commençaient à poindre. Pas à cause de footballeurs qui jouent trop « perso », mais plutôt à cause des supporters.
Certains joueurs, comme Eto'o fils (élu Footballeur africain en 2003 et 2004 par la Confédération africaine de football), ont des fans très actifs dans les stades lorsque les Lions Indomptables doivent en découdre avec une autre équipe. Ils s'y rendent armés et de banderoles d'encouragement, vêtus d'un tee-shirt portant le nom de leur chouchou. De quoi donner du baume au cœur des sportifs. Enfin, de certains seulement.
Tous en vert pour Cameroun-Egypte !
Car, dans le cœur des Camerounais, il y a, semble-t-il, les Lions et les lionceaux. Les premiers faisant l'objet de nombreuses attentions, alors que les autres… « Cela a causé des discordes au sein de l'équipe nationale. Ceux qui n'avaient pas de supporters ressentaient de l'animosité », souligne un responsable de la Fédération camerounaise de football (Fécafoot). « Par crainte de rivalités entre les fans clubs et de divisions entre les joueurs, et en attendant que les groupes de supporters soient codifiés, le ministre (Philippe Mbarga Mboa, ndlr) a appelé la population à ne plus supporter tel ou tel joueur », indique une source du ministère du Sport et de l'Education Physique.
Il y a quelques années, l'ancien ministre du Sport et de l'Education Physique Pierre Ismael Bidoung Mkpatt, aurait déjà enjoint les fans du ballon rond à calmer leurs ardeurs dans les stades. Sans beaucoup de succès. Mais la récente directive ministérielle serait plus ou moins suivie dans les gradins lors des matches internationaux. Alors le 8 octobre, lorsque les Lions camerounais croiseront les crampons avec les Pharaons égyptiens, dans le cadre des qualifications pour le Mondial 2006, il ne devrait pas y avoir de favoritisme de la part des supporters. « Pour la rencontre Cameroun-Egypte, tout le monde portera un tee-shirt vert, la couleur des Lions, qui comportera un message mobilisateur. Il sera remis à chacun à l'entrée du stade. L'idée est de créer des synergies pour que les Camerounais soutiennent tous les Lions Indomptables, et non pas seulement Rigobert Song ou Samuel Eto'o », précise notre source.
« Cameroun-Côte d'Ivoire était en fait Eto'o vs Drogba »
Si toutefois les fans de Rigobert Song ou de Samuel Eto'o ne pouvaient restreindre leur fièvre de fervents supporters le jour J, cela pourrait se comprendre. Car les médias du pays auraient tendance à ne pas vraiment suivre la directive, qui, il est vrai, n'a pas valeur de loi. A la télévision notamment, lors du match Côte d'Ivoire-Cameroun (2-3), comptant pour les qualifications pour la coupe du monde 2006, les Camerounais ont pu voir une publicité plutôt partiale. « Ce match n'était pas Cameroun-Côte d'Ivoire, mais Eto'o-Drogba. Sur le drapeau camerounais, on voyait la photo de Eto'o, et sur l'ivoirien, celle de Didier Drogba. C'était une façon de pimenter un peu la rencontre, en mettant en avant deux grandes figures du football africain », estime René-Armand Dengono, entraîneur de l'équipe de deuxième division Etoile d'Essazok.
Les fans clubs du Cameroun sont informels, et, selon la Fécafoot et le ministère du Sport de l'Education physique, l'ambiance entre eux est généralement bon enfant. Certains jouiraient d'un réel pouvoir. Financier, d'abord. « Ce sont les joueurs ou leur famille qui soutiennent financièrement certains groupes, notamment basés dans les lieux où ils ont grandi », indique notre source du ministère du Sport et de l'Education Physique. Ce qui permet de faire montre de moyens dans les stades. De pression, ensuite. « En 1998, lorsque le Cameroun a été qualifié pour la Coupe du monde, les fans de Djoutang, qui estimaient qu'il avait marqué le but de la victoire, n'ont pas supporté qu'il ne soit pas appelé pour participer au Mondial. Et ils ont manifesté. C'est l'un des événements qui a poussé les autorités à essayer de contenir un peu les fans clubs », raconte René-Armand Dengono. L'étude d'une réglementation concernant les groupes de supporters devrait être amorcée après le match Cameroun-Egypte. Concentration pour qualification oblige.