Cameroun : l’affaire des primes, vraiment un caprice de stars ?

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Le refus des Lions Indomptables d’embarquer pour le Brésil, dimanche, a de quoi choquer à quelques jours du coup d’envoi de la Coupe du monde. Si les coéquipiers de Samuel Eto’o se sont finalement envolés tôt lundi matin à la suite de concessions réalisées par la Fecafoot, une question demeure : la “grève” des joueurs camerounais était-elle légitime ? Afrik-Foot pèse le pour et le contre.


Dos au mur. A cinq jours de l’entrée du Cameroun dans la Coupe du monde 2014, la Fecafoot a préféré ne pas prendre de risque dimanche et s’est pliée aux exigences des Lions Indomptables, qui refusaient de décoller pour le Brésil tant que leurs primes du premier tour ne leur auraient pas été versées.

Au total, les coéquipiers de Samuel Eto’o vont donc percevoir, chacun, 6% du montant versé par la FIFA à la Fecafoot, soit 15 000 euros environ (10 millions de francs CFA), ainsi que 76 000 euros (50 millions de francs CFA) de la part du gouvernement, selon Camfoot. La “grève” des joueurs ne portait que sur les 6% de primes FIFA qu’ils exigeaient de recevoir immédiatement. Désir exaucé, mais à quel prix ? La Fecafoot a remué ciel et terre dimanche pour que les banques débloquent l'argent nécessaire. Ne disposant pas des fonds suffisants (les primes ne sont, selon la Fecafoot, versées à la fédération participante que trois mois après le Mondial), l’instance a dû recourir à un “prêt privé” -moyennant des intérêts ?- pour satisfaire les demandes des Lions.

15 000 euros, une broutille pour la plupart des joueurs

Etait-il nécessaire d’en arriver à de telles extrémités ? Pour un footballeur professionnel, 15 000 euros représente tout juste de quoi à arrondir les fins de mois. En Ligue 1 française, où évoluent cinq Lions, le salaire moyen net mensuel s’élève à 35 000 euros. Les joueurs sont-ils à ce point dans le besoin ? Cela va-t-il changer quelque chose pour eux de toucher 15 000 euros aujourd’hui, demain, ou dans deux mois ?

La presse du pays de Roger Milla s’est logiquement indignée d’une telle attitude, entamant, comme Camfoot, une comparaison sans équivoque: “Est-ce que les militaires qui combattent en ce moment Boko Haram à la frontière du Nigeria ont pensé à réclamer salaires et avantages avant d’aller au champ de bataille ?

La Fecafoot compte ses sous

Néanmoins, les Lions ont quelques circonstances atténuantes à faire valoir, visibles en effectuant des comparaisons à l’échelle internationale. Par exemple, la Fédération française de football, qui a perçu elle aussi une prime FIFA de 5,8 millions d’euros pour sa participation au premier tour, va reverser non pas 6% mais 30% de cette somme aux joueurs de l’équipe de France, soit 75 000 euros par tricolore.

Sur le continent africain, les joueurs de la Côte d’Ivoire vont, eux, percevoir 76 000 euros chacun (50 millions de francs CFA) pour leur participation à la phase de groupes, après avoir touché, selon le nombre de matches joués dans les éliminatoires, entre 3 000 et 24 000 euros (2 à 16 millions de francs CFA) pour la qualification.

Dirigeants qui se servent dans les caisses ?

Vues ainsi, les revendications des Lions sont moins choquantes. Il apparaît surtout que la Fecafoot leur reverse une part moindre de la prime FIFA. C’est compréhensible puisque l’instance doit assurer à elle seule le financement du football amateur camerounais. Mais, pour d’autres, les Lions redoutent surtout que les primes FIFA soient détournées par les dirigeants de la Fecafoot à des fins moins avouables…

En effet, si les Lions peuvent passer pour des mercenaires, cupides, qui monnaient leurs talents contre le défense des couleurs nationales, l'attitude de la Fédération camerounaise peut aussi être pointée du doigt. Cela fait désormais plus d'un an que l'instance n'a de fédération que le nom, étant donné qu'elle est sous la tutelle d'un comité de normalisation mis en place par la FIFA qui doit la créditer de nouveaux statuts avant l'élection d'un nouveau président et par la suite d'un nouveau bureau directeur.

Pas de traitement différencié

Une situation qui n'a que trop duré et qui est la résultante de nombreux atermoiements et conflits entre membres de l'instance mais aussi des anciens internationaux. A l'heure actuelle, la Fédération navigue à vue et ne sait pas encore à quel moment elle redeviendra à nouveau autonome avec une nouvelle direction à sa tête. Et ce que redoute certains Lions, c'est que les dirigeants actuels qui savent qu'ils ne seront plus en place une fois les élections à la présidence passée, n'en profitent pour prendre leur part du gâteau.

Alors, il peut leur être reproché le fait que cette somme est dérisoire pour bien d'entre eux qui gagnent allègrement leurs vies dans les championnats européens, mais pour la majeure partie d'entre eux, ce sont des sommes qui vont plus à leurs proches qu'à leurs poches. Et après tout, dans les autres sélections ces primes de qualification ont été versées avant le coup d'envoi de la compétition. Pourquoi le Cameroun ferait-il figure d'exception une fois de plus ? Les Lions demandent juste à être logés à la même enseigne que les 31 autres équipes qui vont prendre part au Mondial. Assez légitime.

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Mansour Loum