Jouer au football et faire le ramadan, ce n'est pas incompatible. En France, l'AS Saint-Etienne a fait venir un imam l'an dernier pour qu'il explique aux footballeurs comment concilier ce pilier de l'islam avec leur carrière professionnelle. En Afrique, certains clubs s'organisent en fonction de leurs intérêts ou de ceux du joueur. Exemples avec le Sénégal et le Cameroun.
Le ramadan a commencé, mais la saison de football bat son plein. Comment gérer la situation lorsque l'on est footballeur et musulman pratiquant ? L'an passé, l'imam de Saint-Etienne (France) est venu à la demande du club pour expliquer aux joueurs, pratiquants et non pratiquants, ce que sont l'islam et le ramadan. « L'objectif était que les non initiés comprennent ce qu'est le ramadan et que les joueurs le pratiquent correctement. L'imam a expliqué que le Coran prévoyait une ‘clause spécifique' en ce qui concerne les professions, qui permet de rattraper plus tard les jours de jeûne, et que le joueur de haut niveau en fait partie. Certains joueurs étaient intéressés pour décaler le ramadan, mais aucune restriction, interdiction ou aménagement d'entraînement n'ont été mis en place », indique un membre du staff de l'AS Saint-Etienne. Cette expérience pédagogique aurait été renouvelée pour le début du ramadan, selon le quotidien français Le Parisien. En Afrique aussi, on s'organise. Des footballeurs jouent le ventre vide, certains refusent, d'autres décalent ou font « des sacrifices ou des offrandes » pour remplacer les jours non jeûnés.
« Forcés » de jouer s'il y a un enjeu important
Le Nord du Cameroun est essentiellement musulman. Y évoluent deux grands clubs, qui ont chacun une méthode différente. « Lorsque nous n'avons pas de compétition, nous essayons de ménager les joueurs qui font le ramadan. Nous arrivons à la fin du championnat national et nous sommes pratiquement champions. Alors tous ceux qui font le ramadan (7 sur une trentaine de joueurs) sont dispensés d'entraînement. Mais lorsqu'il y a une compétition, ce principe est plus difficile à appliquer… Lorsque le contexte sportif nous est défavorable et qu'il y a un enjeu fort, nous ne dispensons pas les footballeurs de jouer. S'ils refusent de le faire, nous acceptons parfois leur décision, d'autant plus s'il y a des solutions de rechange », commente Dahirou Djintouing, l'un des fondateurs du Coton Sport de Garoua, actuellement à la tête d'une école de football. Il précise que pour ne pas perdre de bons éléments lors de rencontres cruciales, certains clubs ont usé de subterfuges. « Il y a dix ans, on essayait de motiver les joueurs. On leur proposait de gonfler leur prime s'ils décalaient le jeûne. »
Chez le Sahel football club de Maroua, on explique ne pas exercer de pression sur les joueurs. « Je dirais que 80% de nos 27 joueurs sont musulmans. Mais cela ne pose pas de problème. Nous avons une ambiance familiale, certains se connaissent depuis six ans. Alors, comme en plus nous avons un effectif touffu, si un joueur ne se sent pas de jouer, un autre prend simplement sa place et personne ne lui en veut. Mais certains jouent les matchs sans problèmes, en disant qu'ils jouent comme cela depuis des années », souligne Alioum al Hadji Amadou, fondateur du centre de formation du Sahel de Maroua.
« Cas de morts subites pendant le ramadan au Sénégal »
Au Sénégal, les médecins du sport alertent depuis des années sur les risques qu'encourent les footballeurs professionnels, et plus généralement les sportifs de haut niveau, lorsqu'ils jeûnent et pratiquent leur activité. « Nous rapportons tout le temps qu'au Sénégal, et globalement en Afrique, le ramadan et le sport de haut niveau (football ou autre) sont incompatibles. A cause de la chaleur qui provoque, avec l'effort intense, une forte sudation et donc une déshydratation, qui ne peut être remplacée lors du jeûne. Cela qui peut se révéler très dangereux. Le ramadan cause aussi chez le sportif une importante baisse du taux de sucre, qui reste l'aliment préféré du cerveau. Or, lorsque le taux de sucre diminue, la lucidité baisse et donc aussi le rendement sportif. Faire le ramadan dans ce contexte peut entraîner des complications graves. Nous avons déjà eu des cas de mort subite », alerte le président de l'Association des médecins du sport du Sénégal et professeur de physiologie à l'université de Dakar. Un danger dont seraient de plus en plus conscients les sportifs. Selon le responsable médical, dans le milieu du sport depuis 30 ans, « même les fervents pratiquants préfèrent décaler le jeûne et payer (rattraper les jours perdus, ndlr) dès qu'ils en ont l'occasion ».
Il n'y aurait pas de mesure officielle concernant le ramadan et le sport de haut niveau au Sénégal et au Cameroun, pays laïcs. C'est donc à chacun de prendre sa décision. Ainsi, certains préfèrent jeûner quel que soit le contexte. Ce qui a, au moins à une occasion, donné lieu à une situation cocasse. Alioum al Hadji Amadou, se souvient, très amusé : « Dans les années 80, l'équipe de Kohi Pays de Maroua a rencontré une équipe du Sud du Cameroun. C'était pendant le ramadan. Et vers 18h00, lorsque l'heure de rompre le jeûne arrivait, les joueurs qui faisaient le ramadan ont dit : ‘On arrête de jouer, c'est l'heure d'aller manger.' Ils ont quitté le terrain et tout le monde était embarrassé car rien n'était prévu dans les textes pour une telle situation ! ».