La Fédération malienne de football regrette vivement l’injonction de la Fifa, qui lui a demandé de libérer Frédéric Kanouté et Mahamadou Diarra pour les derniers matchs du championnat espagnol. Malgré les excuses en pointillé du président de la Fifa, Sepp Blatter, le Mali lui en veut d’avoir cédé aux pressions de la Fédération espagnole de ballon rond.
La Fédération malienne de football n’a pas complètement digéré l’injonction de la Fifa qui lui signifiait, dans une lettre signée par le président de la Fifa, de libérer « immédiatement » Frédéric Kanouté et Mahamadou Diarra. L'objectif de l'instance internationale de ballon rond était que le buteur du FC Séville et l’attaquant Real Madrid participent, dimanche dernier, aux matchs décisifs de la dernière journée du championnat espagnol. Seulement voilà, les deux joueurs avaient déjà été convoqués pour ce même jour par le sélectionneur des Aigles du Mali, le Français Jean-François Jodar, pour une rencontre qualificative pour la Coupe d’Afrique des Nations (Can) 2008.
« Normalement, les compétitions officielles internationales (comme la Can) ont la priorité sur les championnats nationaux. Mais la date a été choisie par la Caf (Confédération africaine de football, ndlr) début 2007, bien après la publication du calendrier espagnol. Elle n'a donc pas le même caractère obligatoire que les dates Fifa », a assuré le chef du service de presse de la Fifa, Andreas Herren, au quotidien malien L’Essor. Une version que dément catégoriquement la Fédération malienne. Elle rappelle qu’une lettre que la Fifa datée du 7 mai « faisait des 15, 16 et 17 juin » des dates réservées « uniquement pour la cinquième journée des éliminatoires de la Can 2008 ». Ce document souligne aussi que « le calendrier des compétitions des éliminatoires de la Can 2008 a été publié le 26 février 2006, bien avant le calendrier 2006-2007 des compétitions de la Fédération royale espagnole de football ».
Excuses en demi-teinte
En somme, résume l’attaché de presse de la Fédération malienne, « la Fifa aurait dû dire à la Fédération espagnole de réaménager ses dates de championnat ». Mais, au final, la Fifa aurait cédé aux pressions espagnoles. « Le Real Madrid a réagi le premier pour demander la libération de Diarra. Après, nous avons reçu une correspondance de la Fédération royale espagnole de football. Nous avons réagi en disant que nous n’avons pas reçu d’instructions de la Fifa de laisser partir les joueurs. Ensuite, la Fédération espagnole a saisi la Fifa, à qui nous avons rappelé les dates des 15, 16 et 17 juin qu’elle avait arrêtées. Mais elle nous a dit que les deux joueurs devaient rejoindre immédiatement leur club, en raison de la solidarité que la Fifa a envers l’Afrique et que l’Afrique devait en quelque sorte rendre », raconte un responsable de la Fédération malienne. Ce dernier précise qu’à « [sa] connaissance, c’est la première fois que la Fifa prend une décision et fait marche arrière ».
La Fifa, qui aurait causé des problèmes similaires à l’Argentine et au Brésil, a présenté des excuses en demi-teinte. « Cette date internationale du 17 juin a été fixée arbitrairement par la Fifa, je le reconnais. Et lorsque, en mars, nous avons avalisé cette dérogation, parce que la Confédération africaine de football (Caf) cherchait une date, nous aurions dû préciser que ne pouvaient être concernés les joueurs engagés dans un championnat. Dans ces conditions, notre erreur ne doit pas être préjudiciable aux clubs qui, je le pense, auraient pu éventuellement attaquer la Fifa. (…) Ça ne se reproduira plus », a expliqué Sepp Blatter au quotidien sportif français L'Equipe.
Il ne s'inquiète pas du préjudice éventuel qu'aurait pu subir la sélection malienne, alors que les deux équipes espagnoles n'auraient, semble-t-il, même pas dû jouir des talents de Kanouté et Diarra. D'après l'article 38 du règlement de la Fifa, le Real Madrid et le FC Séville avaient six jours pour s'opposer à ce que les Internationaux jouent avec les Aigles. Or, affirme la Fédération malienne, ils ont dépassé ce délai puisqu'« ils ont reçu le 23 mai une lettre annonçant que Kanouté et Diarra étaient convoqués pour les matchs des 3 et 17 juin dans le cadre des matchs éliminatoires de la Can ».
Comportement « révoltant » et « scandaleux »
« Ces excuses signifient que la Fifa a reconnu ses torts. Le mea culpa est suffisant, c’est une satisfaction morale. Mais le mal est déjà fait et c’est évident qu’elle a fait preuve d’un manque de respect pour l’Afrique. Deux clubs valent moins que tout un continent. Deux clubs valent moins que l’équipe nationale du Mali », s’emporte notre responsable anonyme de la fédération malienne.
Auparavant, Kanouté avait jugé le comportement de la Fifa « révoltant » et souligné qu’elle a « changé la réglementation en un jour et discrédité mon pays, parce qu'il est africain et pas européen ». Son compatriote Mahamadou Diarra avait pour sa part dénoncé, dans un entretien accordé à L’Equipe, un comportement « scandaleux ». « Je suis outré, c'est un manque de respect pour le football africain et l'Afrique en général. (…) Kanouté et moi sommes dans la “merde” car, au pays, les gens pensent que c'est nous qui ne voulons pas défendre les couleurs du Mali », avait ajouté l’International. Lors d’une conférence de presse, ce mardi, le sélectionneur Jean-François Jodar a fait le bilan du parcours des Aigles et est revenu sur le fait que les instances supérieures du ballon rond ne devaient pas prendre une décision et ensuite la mettre aux oubliettes.
Reste que l’option d’une action en justice semble peu probable. « Attaquer pourquoi ? La Fifa est tellement toute puissante que mieux vaut rester dans la famille sportive. Par ailleurs, qu’aurions-nous pu demander comme dédommagement : le Real et le Mali ont gagné », conclut notre source anonyme de la Fédération. Effectivement, l’absence de Kanouté et Diarra n’a pas empêché le Mali de corriger la Sierra Leone (6-0) dimanche. Et le Real Madrid s'est imposé face au Real Majorque (3-1, dont un but de Diarra) et remporte ainsi son 30e championnat espagnol. Belles victoires, mais certains pourraient cependant regretter qu’il n’y ait pas de tentative pour réparer le préjudice moral causé par la Fifa.