Dans un groupe B ouvert avec la Zambie, le Cap Vert et la RD Congo, la Tunisie nourrit des ambitions pour la CAN 2015. Arrivés en tête de leur poule durant les éliminatoires, les Aigles de Carthage entendent effacer le douloureux souvenir de 2013 et la sortie de route prématurée. Journaliste chez So Foot et La Voix de l'Allemagne, mais avant tout suiveur des hommes de Georges Leekens, Ali Farhat s'est prêté au jeu afin de présenter ce à quoi doivent s'attendre les futurs adversaires des Tunisiens.
![]() Ali Farhat, journaliste Bundesliga @sofoot / Autor @11Freunde_de / Sport @dw_francais. |
La Tunisie a terminé les éliminatoires invaincue et en tête de son groupe, doit-elle pour autant nourrir des ambitions pour cette CAN ?
Quand tu te qualifies pour la CAN avec la manière (invaincu, 14 points sur 18 possibles, seulement deux buts encaissés), tu ne peux pas dire que tu te rends à la CAN sans avoir l'ambition de faire quelque chose. Bien sûr, la Tunisie est encore en phase de reconstruction, mais ce tournoi est très dense, il y a toujours beaucoup d'équipes qui peuvent gagner. Et par le passé, on a souvent vu des outsiders remporter la victoire finale. C'est ce qui fait le charme de cette compétition : rien n'est prévisible.
Son groupe pour cette édition est plus ouvert que celui de 2013, ça devrait donc lui permettre d'éviter l'élimination prématurée de 2013 ?
Sur le papier, la Tunisie apparaît plus armée que le Cap Vert, la Zambie et la RDC. Mais il ne faut pas oublier qu'il y a la théorie et la pratique. Et comme je le disais précédemment, à la CAN, il ne faut jurer de rien. En vrai, plus que ses adversaires de poule, la Tunisie devra se “battre” elle-même. “Se battre” dans le sens de “se connaître”. Si elle arrive à dégager une certaine confiance, alors il sera difficile de l'arrêter. Et cette confiance, elle se gagne dès le premier match du tournoi.
Dans d'autres sélections, des individualités sont souvent mises en avant, côté tunisien c'est moins le cas. Y'a-t-il des joueurs qui sortent pourtant du lot ?
Les joueurs semblent s'être mis d'accord sur le fait que leur sélection est en reconstruction et qu'il valait mieux que tout le monde avance dans la même direction. En ce sens, la star, c'est l'équipe. Néanmoins, en y regardant de plus près, on se rend compte qu'il y a des joueurs qui en valent le détour. Dans les bois, Aymen Mathlouthi est l'un des meilleurs gardiens évoluant sur le continent. En défense, Aymen Abdennour squatte la Ligue 1 depuis un long moment. Wahbi Khazri et Jamel Saihi (même s'il joue beaucoup moins en sélection ces derniers temps) connaissent eux aussi très bien les pelouses françaises. De plus, ils viennent d'être rejoints par Ferjani Sassi et Fakhreddine Ben Youssef, des gars qui ont redonné au CS Sfaxien ses lettres de noblesse (entretien réalisé avant le forfait de Ben Youssef, ndlr). Mais ces joueurs ont tous un point commun : ils ont des paliers à franchir, en club tout comme en sélection. C'est une jolie génération, mais on verra ce que l'on en retiendra, quand ils seront tous à la retraite.
Depuis l'arrivée de Leekens, l'équipe apparaît plus homogène. Qu'a-t-il apporté comme “plus” ?
Traditionnellement, l'équipe de Tunisie est une équipe défensive. Peut-être tient-elle ça de sa proximité avec l'Italie… En tout cas, elle a souvent refusé de faire le jeu par le passé. En prenant la tête de la sélection, Georges Leekens a décidé de mettre un terme à tout cela. Progressivement, bien sûr. Par exemple, de cinq défenseurs, la Tunisie est passée à quatre. Ce qui permet (entre autres) d'avoir plus de joueurs au milieu du terrain, et potentiellement mieux garder, faire mieux circuler le ballon. Mais attention : la Tunisie a toujours cette mentalité défensive. Preuve en est la présence de la paire Ragued-Sassi (voire Nater) juste devant la ligne de quatre. Leekens a compris d'une part qu'il ne pourrait pas changer du tout au tout. D'autre part, il s'assure une base défensive qui lui permet d'une part d'encaisser moins de buts, et d'autre part de résister aux assauts adverses, et pourquoi pas les prendre en contre-attaque. Reste maintenant à régler les problèmes offensifs : 6 buts en 6 matchs de poules, c'est peu. Mais ça viendra avec le temps.
Par ailleurs, Leekens est en train de réussir quelque chose de très important : réconcilier l'équipe nationale avec son public. C'est pour cette raison que, durant les éliminatoires, il a fait jouer tous les matchs à domicile des Aigles de Carthage au stade Mustapha ben Jannet de Monastir. Leekens s'est sans doute dit qu'il valait mieux jouer dans un stade de 20 000 places mais qui est plein (et où les joueurs peuvent parfaitement entendre le soutien du public) plutôt que dans un Stade Olympique de Radès qui est joli mais qui sonne creux.
Dans le groupe B, la Tunisie peut affronter une équipe du groupe A si elle sort des poules. De quoi lui permettre d'aller loin…
Si elle sort des poules, il est sûr que la Tunisie a de la chance de ne pas tomber sur un pays du groupe C ou du groupe D. Néanmoins, il faudra voir comment elle sort des poules : triomphante, en ayant écrasé tout son groupe, ou bien à l'arrache, de justesse, grâce à la différence de buts. Car en face, même si l'adversaire ne lui fait pas peur, cela dépendra essentiellement de la manière dont elle s'est qualifiée. C'est pourquoi il lui faudra tout donner en poule, de la première minute du premier match à la dernière minute du 3e match de poule.
Et jusqu'où peut-elle aller ?
Elle peut dépasser le stade des quarts de finale. A condition de rester sérieuse et concentrée. Le reste…