Claude Leroy a hérité d’un beau cadeau et d’une lourde charge, en octobre dernier, en prenant la tête de la sélection nationale de football du Ghana. Remporter la Can 2008 et emmener les Black Stars le plus loin possible lors de la Coupe du monde africaine de 2010. Afrik a rencontré le sélectionneur-voyageur, à Brazzaville, à l’occasion de la Coupe d’Afrique des nations junior 2007. Interview.
La dernière fois que Claude Leroy est venu à Brazzaville, c’était en 1972, avec l’AC Ajaccio, afin de se confronter à la sélection nationale de football, à quelques mois de la Coupe d’Afrique des Nations (CAN) organisée au Cameroun, raconte-t-il. Quelques mois plus tard, le Congo remportait sa première et dernière Can de l’histoire. Invité dans la capitale congolaise à l’occasion de la Can Junior 2007, le technicien français, nommé sélectionneur du Ghana en octobre dernier, en remplacement du Serbe Ratomir Dujkovic, espère toujours porter chance aux Diables rouges juniors. Alors qu’il commentait la Coupe du monde allemande au micro de Canal +, cet été, l’ex entraîneur de la RDC avait eu tout le loisir d’admirer le talent et le potentiel des Essien, Asamoah, Muntari, Appiah et de leurs coéquipiers. Aujourd’hui à leur tête, il espère emmener les Black Stars jusqu’à la Coupe du Monde 2010. Même s’il est conscient qu’un mauvais résultat à la Can 2008, organisée au Ghana, pourrait en décider autrement.
Afrik : Vous avez pris le temps pour retrouver une sélection, mais vous l’avez bien fait…
Claude Leroy : Je n’ai pas vraiment pris le temps. Mais dès la fin de mon contrat avec la République démocratique du Congo (RDC), Canal + m’a récupéré pour commenter la Coupe du monde de football en Allemagne. J’ai mis longtemps avant de décider si je restais à Canal ou si je reprenais le métier d’entraîneur. J’avais plein de propositions, comme jamais dans ma carrière, en Ligue 1, notamment avec un club avec lequel les discussions étaient avancées, dans le Golfe, en Asie… En Afrique, à la fin, ça s’est joué entre le Cameroun et le Ghana. Le Ghana, c’était… (il ouvre grand les yeux). Sans fanfaronner, je n’avais rien sollicité du tout. Ils ont reçu des demandes incroyables d’entraîneurs évoluant dans tous les grands championnats européens. Je suis allé répondre aux questions d’une quinzaine de personnes, dont Abedi Pelé. Ils savaient à quel point je suis concerné par la formation. Ils m’ont fait savoir qu’ils me choisissaient.
Afrik : Le choix de la Fédération ghanéenne est-il justement lié à votre intérêt pour la formation des jeunes footballeurs ?
Claude Leroy : J’adore être sur le terrain, dénicher des talents. La question s’est posée de savoir si on s’engageait jusqu’en 2010. Je leur ai dit que je préférais signer jusqu’à la Can 2008, organisée au Ghana, et discuter de la suite après. Car si on plante 2008 et que j’ai envie de continuer, il est évident que les responsables de la fédération seront tentés de se séparer de moi. C’est le jeu. Un autre résultat qu’une victoire à la Can serait un échec. C’est pourtant un risque car je crois que rarement un pays organisateur d’Afrique subsaharienne a remporté la Can (après vérification, le Ghana l’a organisée et remportée en 1963 et 1978, en plus de ses victoires en 1965 et 1982).
Afrik : Pourquoi avoir quitté la sélection congolaise (RDC) alors que les Simbas ont joué l’un des plus beau football de la Can 2006 et qu’ils ont failli se qualifier pour le Mondial allemand ? Des résultats inespérés obtenus dans des conditions de travail difficiles…
Claude Leroy : Je voulais partir car il y avait toujours conflit, sans conflit, entre la fédération et le ministère des Sports. Mais quand je vois l’accueil que j’ai reçu (il arrive de Kinshasa, ndlr), c’était incroyable. C’était aussi humainement extraordinaire avec le staff. En réalité, je n’étais pas certain d’arrêter, mais si j’avais continué, ça aurait été sous certaines conditions. Finalement, les discussions ont traîné en longueur et le ministère a fait signer un nouvel entraîneur. Aujourd’hui encore, il a des problèmes avec la fédération, qui ne le reconnaît pas. Mais c’est un pays incroyable qui mérite de s’en sortir. Pour cela, j’espère que les élections qui viennent de se dérouler pourront changer les choses.
Afrik : De nombreux centres de formation se mettent en place en Afrique, parfois avec la collaboration de clubs européens, mais rien n’est fait pour former les techniciens. En conséquence, chaque sélection nationale africaine cherche sont entraîneur européen…
Claude Leroy : C’est pourquoi l’un de mes combats consiste à faire en sorte que les techniciens locaux aient des statuts clairs, comme ceux des Européens, et qui coûtent cher aux fédérations. J’ai ainsi fait changer les statuts de mon staff au Sénégal et en RDC. Surtout, où je suis passé, mes adjoints sont par la suite devenus eux-mêmes entraîneurs. Au Ghana, mon staff est composé de techniciens locaux. Sans que cela ne deviennent la règle, le fait que des entraîneurs européens prennent des sélections africaines ne doit pas en soi être un problème. Mais il faut que ceux qui viennent soient concernés. Avec le Ghana, je vais reproduire ce que j’avais réalisé lors de ma première expérience de sélectionneur au Cameroun. J’avais sillonné le pays en bus avec une sélection nationale locale qui affrontait des délégations provinciales afin de dénicher de nouveaux talents.
Afrik : Qu’est ce qui vous pousse à voyager autant, au Qatar, en Chine, en Malaisie, au Cameroun, en RDC… et maintenant au Ghana ?
Claude Leroy : J’ai été élevé par des parents très concernés par toutes les luttes d’indépendance. Mon père a reçu Patrice Lumumba à la fin des années 1960… Ils m’ont ouvert sur le monde et rien ne cultive plus que le voyage. Ca n’est pas un hasard si je suis un voyageur aux semelles de vent.
CARRIERE :
Claude Leroy joueur : FC Rouen (1968-70), AC Ajaccio (1970-73), Olympique Avignon (1973-77), Stade lavallois (1977-80), SC Amiens (1980-81)
Claude Leroy entraîneur : SC Amiens (1980-83), FC Grenoble (1983-85), Al Shabah (Qatar (1985), RC Strasbourg (1998-2000), Shangaï Cosco (2001-03)
Claude Leroy sélectionneur : Cameroun (1985-1988, 1998), Sénégal (1988-1992, Champion d’Afrique 1988), Malaisie (1995), République démocratique du Congo (2004-2006), Ghana (depuis 2006)
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