Fraîchement convoqué en sélection ivoirienne par Sabri Lamouchi, Serge Aurier, 20 ans, a accepté de se confier à Afrik-foot. Dans cette première partie de l’entretien, le néo-Eléphant revient sur les raisons qui l’ont poussé à opter pour la Côte d’Ivoire alors qu’il pouvait également prétendre à l’Equipe de France.
Serge, vous venez d’être convoqué par Sabri Lamouchi pour disputer les deux prochains matches des éliminatoires de la Coupe du monde 2014 avec la Côte d’Ivoire. Que ressentez-vous ?
Je suis très content, c’est une fierté d’être appelé dans ce groupe de qualité. J’espère que nous allons vivre des moments intéressants.
Vous avez longtemps hésité entre les sélections française et ivoirienne. Pourquoi ?
Je me connais, je sais comment je suis. Au moment où la Fédération ivoirienne avait besoin de moi, c’est-à-dire avant la CAN 2013, je ne me sentais pas encore prêt mentalement et je pensais ne pas avoir les armes nécessaires pour me défendre. Aujourd’hui, avec le temps, après réflexion, c’est différent. En grandissant, on mûrit et on commence à se responsabiliser. C’est ce que j’ai fait pour prendre ma décision. Ce n’était pas facile. J’ai essayé de rester le plus calme et le plus discret possible, sans me précipiter et en évitant toute chose qui pourrait être mal interprétée.
“La Côte d’Ivoire n’a rien à envier à l’Equipe de France”
A quel moment les discussions avec la Fédération ivoirienne ont-elles débuté ?
Je discute avec les dirigeants ivoiriens depuis très longtemps, avant la CAN. J’ai toujours été honnête avec eux. En début d’année, je leur ai expliqué que je ne me sentais pas prêt à répondre favorablement à leurs sollicitations pour l’instant. Mais je leur ai dit qu’à l’avenir, je ne fermais aucune porte… tout en précisant que je n’en ouvrais aucune non plus, que ce soit pour la sélection française ou pour la Côte d’Ivoire. C’était du cinquante-cinquante, j’avais besoin de réfléchir.
Qu’est-ce qui a fait pencher la balance en faveur des Eléphants ?
J’ai accepté de jouer pour la Côte d’Ivoire parce qu’elle possède un bon groupe, qui n’a rien à envier à celui de la France. Il s’agit vraiment d’un groupe de qualité. Récemment, un coéquipier (Jean-Daniel Akpa Akpro, ndlr) a été sélectionné avec les Eléphants et ne m’a rapporté que de bons échos. Cela a joué. L’expérience ne pourra être que bénéfique. Je suis très content à l’idée de rejoindre cette sélection qui est désormais la mienne, mais aussi celle de mon pays d’origine. Je suis comme un gosse dans un rêve. La balance a penché en faveur de la Côte d’Ivoire parce qu’il y a une Coupe du monde qui arrive bientôt et c’est un rêve de gosse de la disputer. J’en ai l’occasion, je me devais de la saisir parce qu’elle ne va pas se représenter dix fois dans ma vie… J’ai donc pris cette décision très importante pour moi puisque je sais qu’elle s’appliquera à vie. Je me sentais prêt pour aller en sélection, c’était le bon moment.
“Pas de meilleur retour sur ses terres”
Sabri Lamouchi n’attendait plus que votre aval pour vous convoquer. Vendredi, lorsqu’il a dévoilé sa liste, vous n’avez donc pas été surpris ?
Même si je m’y attendais forcément, j’avais le cœur qui battait très fort. Je suis très content. Je ne cache pas ma joie. J’ai vraiment envie d’y aller, notamment pour découvrir un nouveau challenge, sur le plan international.
Vous avancez surtout des arguments sportifs pour justifier votre décision de revêtir le maillot des Eléphants, s’agit-il du seul critère qui a guidé votre choix ?
Non, bien évidemment : je suis né à Abidjan. C’est vrai, je n’y suis pas resté très longtemps, j’ai passé toute une partie de mon enfance en France, tous mes amis y vivent. Mais je suis né en Côte d’Ivoire, j’y ai grandi et j’ai encore de la famille au pays : mes cousins et mes tantes notamment. J’ai vécu en Côte d’Ivoire en étant gamin et, en juin, je vais revenir en portant le maillot du pays… Ca fait plaisir. Il n’existe pas de meilleur retour sur ses terres.
“Très déçu que Drogba ne soit pas sélectionné”
Il paraît que Didier Drogba vous a appelé en début d’année. Vous confirmez ?
Tout à fait. Avant la CAN, il m’a téléphoné pour me convaincre de venir. Quand un joueur de son calibre vous appelle, ça fait réfléchir c’est sûr ! Mais je suis resté très calme et serein, je n’ai pas “cédé à la tentation” directement. N’importe quel gamin de mon âge aurait pourtant cédé : c’était quand même Didier Drogba à l’autre bout du fil ! Cela change la donne, c’est certain, mais je suis resté très zen et je lui ai dit la même chose qu’au sélectionneur : je ne me sens pas prêt à venir pour l’instant mais je ne ferme pas la porte à la Côte d’Ivoire à l’avenir.
Quelle a été votre réaction en voyant que le nom de Didier Drogba n’apparaissait pas sur la liste des 26 Eléphants retenus ?
Je suis très déçu. Mais, quand Didier Drogba a vu mon nom dans la liste, il a dû se dire que son discours a porté ses fruits. J’espère vraiment le revoir très bientôt en sélection, c’est quelqu’un d’important dans le collectif ivoirien. Récemment, il a fait des gros matches en Ligue des champions. Donc c’est un peu une déception de ne pas le voir. Mais je suis avant tout là pour moi, avec un objectif très important : qualifier mon pays pour la prochaine Coupe du monde.
Retrouvez mardi, la seconde partie de l’entretien avec Serge Aurier, consacrée à sa saison avec Toulouse.