Côte d’Ivoire : Serey Dié, de la misère au bonheur

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Rendu célèbre aux yeux du monde entier suite à ses larmes lors de l'Abidjanaise à la Coupe du monde 2014, Serey Dié a connu une route semée d'embuches pour devenir joueur professionnel, comme il l'a confié dans un entretien émouvant à L'Equipe. Morceaux choisis.



 Sa vie en Côte d'Ivoire

Je vendais des trucs pour survivre, du pain, des cigarettes au feu rouge, je faisais « cabine téléphonique » (prêter des téléphones aux gens pour appeler). J’avais moins d’un euro par jour… Parfois, je passais deux jours sans manger. Le père ne vivait plus (il est mort en 2004 ), la mère n’avait qu’une petite pension donc je ne pouvais rien lui demander. Je devais me débrouiller seul. J’habitais même une chambre avec un toit inachevé… Quand il pleuvait, il fallait que je rentre mes affaires. Quand je m’entraînais, je pensais à mon matelas et à mes deux ou trois vêtements que je possédais qui allaient être mouillés en rentrant… Mais j’en voulais tellement…

 Ses vacances en Côte d'Ivoire en 2007 alors qu'il n'était quasiment pas payé par son employeur tunisien, l'EOG Kram

Je suis rentré au pays et j’ai expliqué ma situation, mais mes frères ne m’ont pas cru. Ils pensaient que j’avais fait la fête et tout dépensé ! Du coup, ils se sont fâchés, mais ma mère, qui pleurait souvent mon absence, a accepté de me voir encore. Heureusement… Pendant un mois en Côte d’Ivoire, j’étais la risée de tout le monde. Mes frères ne voulaient plus me voir, ma copine m’a quitté car elle m’a clairement dit que je lui faisais honte. Je ne pouvais donc pas rester…

 Son essai à l'ES Sétif en décembre 2007

Ce jour-là, le directeur sportif m’a parlé : « C’est toi qui viens pour le test ? On n’a pas besoin de toi ! On va te mettre avec les gamins au centre. Puis je vais te payer ton taxi pour repartir. » Le lendemain, je m’entraîne quand même avec les remplaçants et les jeunes. Et j’ai tout cassé ! J’ai vu le directeur sportif qui appelait le président au téléphone sur le bord de la touche pour lui dire de venir me voir… Ils ont voulu discuter. Un dirigeant est venu : « Vous, les Blacks, vous vous montrez au début et après on ne vous voit plus ! Alors je te donne six mois de contrat et on verra. » J’ai été replacé milieu défensif et je change tout dans l’équipe. Les supporters inventent même une chanson en mon nom !

 Les larmes du Mondial 2014

Sion est alors venu superviser un joueur de Sétif, mais opte pour moi ! Je signe en 2008, j’ai vingt-quatre ans ! Ensuite, j’ai franchi tous les échelons, Bâle, Stuttgart, CAN, Coupe du monde… C’est pour tout ça que j’ai pleuré pendant les hymnes lors de la Coupe du monde 2014, je me retrouvais à côté de Drogba, Yaya, Zokora… Ces gens que je voyais à la télévision… Tous mes sacrifices sont revenus en mémoire. C’est cette vie qui m’a donné mon énergie. Rien ne m’a été donné gratuitement, je ne suis pas milliardaire, mais je n’envie personne. Quand je suis sur le terrain, je pense à tout ce que j’ai enduré…

Son parcours professionnel :

2003-2006 : Stade d'Abidjan

2006-2007 : EOG Kram

2007-2008 : ES Sétif

2008-2013 : FC Sion

2013-2015 : FC Bâle

Depuis 2015 : VfB Stuttgart

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Benjamin Pommereau