Ils n'ont pas le même maillot mais ils ont la même situation. Le Ghanéen Herbert Boateng, le Sud-Africain Ayanda Nkqayi et le Nigérian Ibrahim Kujenya participent tous les trois à la neuvième édition de la Coupe du monde des sans-abris, qui se tient jusqu'au 28 août à Paris. Loin des enjeux du foot business, la compétition vise à permettre à ses participants de changer leur vie. Comme le Portugais Bebe, présélectionné et qui a signé à Manchester United en 2010, les trois joueurs espèrent ainsi pouvoir réaliser leurs rêves les plus fous.
L'équipe d'Allemagne doit l'avoir mauvaise. La Mannschaft vient de perdre son match contre l’Indonésie 6 buts à 5, ce qui représente leur troisième défaite de suite dans la Coupe du monde des sans-abris. Pourtant, pas de rancœur visible de la part des Allemands, qui profitent de l'après-match pour fraterniser avec les Indonésiens. Le capitaine de l'équipe demande même à son vis-à-vis d'écrire un mot sur le drapeau de la Mannschaft, même si le bout de tissu est déjà rempli de messages amicaux provenant d'autres délégations. Un fair-play que l'on retrouve aussi sur le terrain, avec des attaquants qui ne s’effondrent à la moindre charge d'un défenseur et des équipes qui applaudissent les buts de leurs adversaires. La Coupe du monde des sans-abris semble donc dénuée des travers du football professionnel. Normal pour un événement où le score est plus qu’anecdotique. A milles lieues d'un milieu où l'argent est roi, il s'agit en effet de redonner l'espoir à des personnes dépourvues de toit.
Une carière pro en Europe en ligne de mire
Tel Ibrahim Kujenya, tout sourire à la fin du match de son équipe. Le gardien du Nigeria a de quoi. Dans une ambiance de folie, où l'équipe féminine du Kenya mais aussi les Philippins sont venus donner de la voix pour soutenir la sélection nigériane, les Super Eagles ont atomisé les Coréens du Sud 16 buts à 1. Kujenya n'a pas eu grand chose à faire mais il a réalisé des arrêts de grande classe. “Je suis très talentueux dans les cages“, indique-t-il d'un clin d’œil lorsqu'on lui demande la raison pour laquelle il joue à ce poste. Celui qui se dit avoir pour idoles Jay-Jay Okocha et Samuel Eto'o rêve de pouvoir un jour embrasser une carrière professionnelle en Europe. Lorsqu'il prononce le nom de ses clubs adorés, “Manchester United et le Real Madrid“, c'est comme si les étoiles de la Ligue des Champions avaient fait un voyage express pour se loger dans ses yeux. Mais avant cette 9e édition de la Coupe du monde des sans-abris, Kuyenja n'avait jamais eu l'occasion de quitter son pays natal. Natif de Lagos, le jeune homme de 19 ans n'a pas pu rester dans la plus grande ville du pays car “les loyers étaient trop chers. Cela fait 10 ans que je vis avec ma famille dans un village où les conditions sont très rudes” Sélectionné par l'Académie Search et Groom à Lagos pour le Mondial des sans-abris, le Nigérian compte tirer parti de cette compétition pour “prendre un nouveau départ. Cette expérience me donne l'espoir d'une vie meilleure.”
Devenir football professionnel, un rêve que caresse également Herbert Boateng, même si le Ghanéen ne veut pas tout miser sur le ballon rond. On ne peut que lui donner raison au vu des piètres prestations de la sélection ghanéenne dans le tournoi. Les Blacks Stars comptent en effet trois défaites et une seule victoire en trois jours de compétition. “Je vais essayer de percer dans le football mais si cela ne marche pas, j'aimerais aussi travailler dans l'informatique“, indique le défenseur. Âgé de 23 ans, Boateng est sans-abri depuis l'âge de 10 ans. “A partir de cet âge, j'ai dû vivre dans la rue car je n'avais plus de famille. Mais alors que je vivais dans le nord du pays, je suis allé à la rencontre de l'équipe des sans-abris à Accra. Je ne les remercierai jamais assez de m'avoir permis de participer à cette Coupe du monde. Je compte bien commencer une nouvelle vie.”
“ Ce tournoi est un bon tremplin. Mais à nous de faire le saut”
Un souhait qu'Ayanda Nkqayi souhaite réaliser pour lui mais pas seulement. Âgé de 37 ans, le capitaine de la sélection sud-africaine est en effet le père de cinq enfants, qu'il a élevé dans un squat à Cape Town. “Les trois mois de préparation pour la Coupe du monde m'ont beaucoup aidé. J'ai pris conscience qu'il était possible d'augmenter mon niveau de vie pour aider mes enfants. Pour cela, je compte voyager et devenir entraîneur.” Capitaine d'une formation performante sur le terrain (4 victoires pour une seule défaite en trois jours de compétition) mais qui ne se prend pas la tête pour autant (en témoigne la danse improvisée de l'équipe dans les tribunes à l'occasion d'un autre match), Nkqayi semble avoir les qualités requises accomplir son rêve. S’apprêtant à repartir vers les vestiaires après la victoire contre la Belgique, le Bafana Bafana donne une poignée de main chaleureuse. Avant d'ajouter : “Cette compétition est un bon tremplin. Mais c'est à nous de faire le saut et de se prendre en main pour s'en sortir.”
Renseignements: La 9e édition de la Coupe du monde des sans-abris a lieu du 21 au 28 août sur le Champ de Mars à Paris. Elle accueille 53 pays (48 équipes masculines et 16 féminines), dont le Ghana, l'Afrique du Sud, le Nigeria, le Kenya, le Malawi et la Namibie et l'Ouganda. Chaque délégation est composée de huit joueurs, quatre titulaires dont un gardien et quatre remplaçants. Le but de cette compétition est de redonner confiance à des personnes marginalisées, les aider à se désintoxiquer et leur permettre de retrouver le chemin de l'emploi. L'organisation “Homeless World Cup”, qui chapeaute cet événement sportif annuel depuis sa création en 2003, estime à 73 % la proportion de sans-abri dont la vie a “significativement changé” après le tournoi. Toutes les informations sur http://www.homelessworldcup.org/