La fin d'un mythe? Selon une récente étude sud-africaine, la Coupe du monde de football n'aurait jamais été aussi peu profitable pour les travailleuses du sexe. Pire, la situation des prostituées en Afrique du Sud, pays hôte du dernier Mondial, n'a pas évolué.
2010 devait être leur année aussi: 40 000 prostituées étaient attendues en Afrique du Sud à l'occasion de la Coupe du monde de football. Un mois de fête et d'abus plus que profitable pour ces travailleuses du sexe dans un pays qui avait prévu un milliard de préservatifs pour l'occasion.
Raté. Un rapport publié début décembre fait état d'un autre bilan: le mois de juin n'aura pas été faste pour les prostituées en Afrique du Sud, quelles soient locales ou “exportées” d'Afrique ou d'Europe. Ce rapport, basé sur le travail de Marlise Richter (département des études des migrations forcées à la Wits University en Afrique du Sud), indique que les péripatéticiennes ayant participé à la grande messe du football n'attendaient qu'une chose: que les clients plient bagages.
40 000 prostituées
A en croire de nombreux médias, en plus des 500 000 supporters, ce sont 40 000 prostituées qui devaient se joindre à la fête. Venues de Russie, du Congo ou du Nigeria, elles devaient vendre leurs charmes avec un profit maximum. “Je vais gagner trois fois plus d’argent qu’en temps normal et ça me donnera aussi la possibilité de rencontrer des clients potentiels”, affirmait ainsi l'Américain Heidi avant le coup d'envoi.
Une prévision confirmée par Marlise Richter: “De nombreuses travailleuses du sexe s'attendaient à une augmentation du nombre de clients ainsi que de monnaies étrangères mais les trois-quarts d'entre elles indiquent qu'il n'y a eu aucun changement dans leurs condition de travail. 16% précisent même avoir eu moins de clients que d'habitude…”, affirme la chercheuse sud-africaine qui a rencontré plus d'une soixante de prostituées ayant exercé dans les principales villes hôtes de la compétition.
Violences et abus sexuels
Pire qu'un bilan financier en berne, la situation n'a guère évolué pour les prostituées sud-africaines. Celles-ci pensaient pouvoir les prostituées sud africaines pensaient enfin pouvoir acquérir un statut dans la société avec le débat qui s'est installé sur une éventuelle législation de la prostitution. Plusieurs années après, la prostitution demeure une activité illégale en Afrique du Sud. Pour Angela, 24 ans, qui travaille à Durban, la légalisation de la prostitution aurait été une aubaine, elle aurait au moins mis fin à son éternelle peur de la police. “La police ne fait rien pour nous, au contraire, ils nous chassent, ils nous battent, ils prennent notre argent et nous abusent. J’ai peur, moi, je prends des risques tous les soirs, je monte dans des voitures avec des gens que je ne connais pas, je ne sais pas où ils vont m’emmener ni ce qu’ils vont me faire”, dit Angela. Les actes de violence de la police n'ont pas cessé pendant un mois de football. Au contraire.
D'ailleurs, selon Anna, prostituée sud-africaine interviewé par Marlise Richter, les affaires n'ont pas vraiment été florissantes pour les professionnelles, les fans, internationaux ou locaux, préférant se concentrer sur le football. “Les conditions de travail étaient mauvaises. A l'hôtel où j'habite, j'étais payé cent rands par jour (environ 10 €) par jour, raconte-t-elle avant d'affirmer avoir été victime d'abus sexuels de la part des gardes et du personnel de l'hôtel. Il y a aussi une hausse dans le nombre de jeunes filles, non-éduquées et qui n'utilisent pas de préservatifs. Les clients les préfèrent, elles, mais c'est dommage de les voir brisées comme ça. Personnellement, je n'ai plus de sentiments, je n'aime plus. Je vis. Je m'en fiche, j'ai trop souffert.”