Fraîchement débarqués de leur Guinée natale, Kemoko Touré et Ismaël Bangoura arrivent au Gazélec Ajaccio en 2004. Ils n’ont alors que 19 ans. À ce moment là, tout leur sourit et la perspective d’une carrière professionnelle leur tend les bras. Mais le destin en a voulu autrement. Alors qu’Ismaël perce dans le milieu, Kemoko, lui peine à se détacher. Des blessures à répétitions et des mauvais choix de carrière vont l’entraîner dans une chute vertigineuse dont il ne s’en remettra jamais.
“J’ai grandi avec Ismaël. Depuis notre enfance, on a toujours joué et évolué ensemble… ” Depuis, les deux hommes ont pris des chemins bien différents. Ismaël a embrassé une belle carrière de football et vient de signer au Al Nasr Dubai, après avoir mis fin à son contrat de quatre ans qui le liait au Stade Rennais ou joué une demi-finale de Coupe de l'UEFA avec le Dynamo Kiev. Kemoko Touré, lui évolue en tant que milieu offensif gauche au FC Chartres (CFA 2). Pourtant, au début, beaucoup d’espoirs reposaient sur lui.
C’est en 2003 que la vie de Kemoko bascule. Alors qu’il dispute un match avec son équipe l’Athletico de Collea à Conakry, il est repéré par un club néerlandais. Au moment de s’y rendre, le joueur tombe malade et laisse passer sa chance. Ismaël, lui, saisie la perche. Une expérience de très courte durée puisque quelques mois plus tard, il retournera en Guinée. Retour à la case départ donc. Finalement, en 2004, les deux copains quittent ensemble la Guinée et intègrent un club français, le Gazélec Ajaccio. Tout va alors aller très vite. Ismaël, repéré par le Mans, quitte le club corse. Au même moment, Kemoko se blesse à un genou. Il restera tout de même une année de plus au GFCOA. “On avait le même niveau. Je lui faisais les passes décisives. Les clubs nous repéraient ensemble sauf que je me blessais trop souvent. ”
La dégringolade
Une fois le futur international au Mans, Kemoko ne tardera pas à le rejoindre. “Deux ans après le départ de mon pote, ils sont venus me chercher malgré ma blessure car ils connaissaient mon jeu, explique fièrement l’intéressé. J’ai signé un contrat pro d’un an, mais je n’ai joué qu’avec l’équipe réserve.” La saison suivante, son contrat n'est pas renouvelé. Des différents avec son entraineur en sont la cause. Ce dernier lui reproche, entre autres, ces nombreuses absences. En effet, Kemoko à ce moment là était régulièrement appelé en équipe nationale guinéenne pour jouer avec les A'.
Après son éclair passage au Mans, le jeune homme signe dans la précipitation à l’Entente Sannois Saint-Gratien (National). “Je devais absolument trouver un club pour renouveler mon titre de séjour qui s’expirait dans dix jours”, se souvient Kemoko avant d’ajouter: “Ca été la plus grosse erreur de ma vie !” L’entraîneur qui l’avait recruté pour ses qualités de milieu offensif lui demande alors de jouer en latéral gauche. Un choix tactique qui va, selon Kemoko, lui briser sa carrière. “Des recruteurs sont venus me voir jouer pour mon poste de milieu offensif et au final ils étaient déçus. Je ne répondais plus à leurs attentes. Je ne pouvais pas non plus m’opposer à mon coach car j’étais en manque de jeu et j’avais besoin de jouer.” Toute une saison a évoluer à un poste qui n’est pas le sien a entrainé Téka, comme l'appellent ses amis, dans l’oubli. Après un an, l’ancien international quitte son club et se retrouve sans rien. Cette période de vache maigre va durer deux ans…
“J’ai l’impression d’avoir été marabouté “
À partir de là, rien ne va plus pour le Guinéen. Son amitié avec Ismael se dégrade peu à peu. “La distance nous a éloigné, regrette Kemoko. La géographie n'est pas l'unique raison: “Quand on progresse, on a de plus en plus de notoriété et les gens s’intéressent d’un coup beaucoup plus à toi. C’est ce qui est arrivé à Ismael qui a peut-être écouté des ragots à mon sujet mais je ne lui en veut pas. Il reste mon ami, mon frère. Un jour, on se retrouvera, peut-être.”
Aujourd’hui, quand le jeune homme de 25 ans évoque son passé, c’est un sentiment d’amertume et de regrets qui en ressort : “Ca me fait mal au cœur d’avoir raté ma carrière.” Sa famille, son entourage, ses anciens entraineurs, tous comptaient sur lui. “J’en ai déçu plus d’un !, regrette Kemoko. J’ai l’impression d’avoir été marabouté.”