Candidat à l’élection présidentielle au Libéria, George Weah bénéficie d’une légère avance sur Joseph Boakai, son principal adversaire après les premiers résultats publiés par la commission électorale. Élu en décembre 2017 à la tête du Libéria, l’ancien attaquant de l’AS Monaco espère briguer un 2ème mandat. La trajectoire politique du Ballon d’Or France Football 1995 a totalement surpris ses ex-coéquipiers. À l’image de Roger Mendy. Dans cet entretien, l’ancien défenseur international sénégalais, coéquipier de Weah entre 1989 et 1992 à Monaco s’est longuement confié à Afrik-Foot.com sur la personnalité de l’ancien buteur du PSG et de l'AC Milan avec quelques anecdotes croustillantes.
Interview réalisée par Yoro Mangara,
Que retenez-vous de George Weah avec qui vous avez évolué durant trois saisons ?
Je dirais un garçon d’une grande correction, simple, sans problème, toujours prêt à aider. Dès que je suis arrivé à Monaco, il s’est tout de suite attaché à moi. Au lieu de m’appeler grand frère, il m’appelait Papa, Père Roger. Je l’ai donc pris comme mon fils. Il aurait pu m’accueillir car il était à l’ASM avant moi, avec Youssouph Fofana et James Debbah. Il n’y avait pas plus simple et ouvert que George. Un garçon bien éduqué. Je ne sais pas tout de lui même si on a passé trois ans ensemble, les gens ne montrent pas tout. Mais George était lui-même, transparent. Lui et moi quand on se voit c’est de la folie parce que la mayonnaise a vite pris entre nous deux. Notre amitié fut rapide et solide à l’époque. C’est un garçon extraordinaire, que j’adore énormément.
Y avait-il des caractéristiques chez lui qui pouvaient laisser penser qu’il ferait carrière en politique ?
Vraiment non ! George a pris tout le monde de court. Moi-même cela m’a surpris. Il avait cela dans un coin de la tête, il l’évoquait quelques fois mais personne ne le prenait au sérieux. On le taquinait en lui disant : ‘tu ne sais rien, tu ne sais pas t’exprimer, qu’est-ce que tu ferais en politique ?’ Et on enterrait ainsi la discussion. Jusqu’au jour où j’apprends que George présente sa candidature pour être sénateur dans son pays. Les gars m’ont appelé pour me rappeler que George l’avait pourtant dit. Je n’étais pas le seul qui étais surpris de cette trajectoire. Peut-être pas ceux qui étaient régulièrement en contact parce que j’avoue, qu’à un moment, il était difficile de le joindre. Et quand je réussissais à le joindre, on parlait de la vie, de nos familles. Il a surpris tout le monde sur le coup. Mais heureusement qu’il est devenu Président. Le premier footballeur Président de la République, c’est un honneur pour nous tous, pour moi qui le connaît. C’était une belle surprise son élection en 2017. Il a beaucoup travaillé pour être à la tête de son pays. Chapeau à lui et j’espère qu’il sera réélu.
« Son problème c’était les avant-matchs »
Montrait-il un certain leadership dans le groupe monégasque ?
À l’époque c’était plutôt quelqu’un de cool et surtout de taquin. Difficile de dire s’il avait un leadership dans le groupe à l’époque. Il s’exprimait beaucoup mieux avec le ballon. George c’était toujours la bonhomie, les rigolades… N’empêche, il avait énormément de personnalité. C’était un joueur qui avait peur avant les matchs. On s’appelait affectueusement « Dioss ». Avant les matchs il me disait : “Dioss, j’ai mal au ventre par ci, par là”, toujours en train de se plaindre d’un mal. Il n’arrivait jamais à préparer ses matchs dans la tranquillité. J’étais toujours là à lui remonter le moral, à l’aider à s’enlever ce stress. Ce n’était pas un dur à cuir mais, une fois sur le terrain, quand il prend confiance, il était déchaîné, inarrêtable. Son problème c’était les avant-matchs. Dès qu’il est sur le pré, il devenait fou et n’avait plus peur de rien. Son Ballon d’Or (France Football en 1995, ndlr), il l’a tellement mérité. C’était un garçon exemplaire sur le terrain, d’une puissance phénoménale. C’était le plus fort à l’époque.
« Il m’avait donné tous les droits sur lui »
Comment décririez-vous vos rapports en tant que coéquipier, alors que vous étiez très vite devenu un leader dans ce vestiaire ?
George et moi avions des rapports sincères, basés sur la vérité et surtout les blagues (rires). On n’hésitait pas à se dire des vérités. Quand il passait à côté de son match, je le rappelais à l’ordre. Il m’avait donné tous les droits sur lui. Ce n’était pas un garçon à problème. Lui, Youssouph Fofana… On était cool. Il était pénible avec ses plaintes, ses appréhensions avant les matchs mais c’est tout. Nous avions d’excellents rapports, nos deux familles aussi. George était tout le temps chez moi, il mangeait chez moi et y passait beaucoup de temps à l’époque.

Avez-vous été surpris par son ascension fulgurante sur la scène politique au Libéria ?
Sa carrière politique, George l’a préparée en France, en toute discrétion. Il est venu me voir un jour à Dakar et il m’a beaucoup parlé de politique. Je lui rétorque, ‘arrête de me fatiguer avec tes histoires de politique’. Il me répond : ‘moi je serai un jour Président’. On a rigolé et pris une photo avec Salif Diao (ex-international sénégalais). Finalement, on peut dire qu’il ne nous l’a jamais caché même si je le répète, ça m’a surpris d’apprendre qu’il faisait son trou en politique. On ne l’a juste jamais pris au sérieux. J’espère qu’il aura ce 2ème mandat pour poursuivre le travail entrepris durant son premier. Il le mérite parce que c’est quelqu’un d’extraordinaire.
Depuis qu’il est président, vous arrive t’il encore d’échanger ?
Il nous arrivait encore d’échanger mais c’était de moins en moins fréquent. Quand il est venu à Dakar lors des CAF Awards (en 2020), on s’est vu, on a beaucoup discuté mais il faut reconnaître que joindre un Président est assez difficile (rires). J’essaye parfois de l’appeler mais je sais qu’il n’a pas de temps libre. Il est aujourd’hui Président de la République, il faut accepter qu’il a un emploi du temps hyper chargé. Il m’a appelé à deux reprises. À chaque fois c’était parce qu’il était stressé, qu’il avait besoin de parler ou de rigoler un peu.
