A 43 ans, Hervé Renard est en train de vivre une véritable consécration. Le playboy des bancs de touche a emmené sa Zambie en finale de la CAN 2012. Au moment d'affronter la Côte d'Ivoire, le sélectionneur des Chipolopolos reste serein, comme il l'a expliqué en conférence de presse.
(de notre envoyé spécial à Libreville)
Afrik-Foot: Hervé, vous voilà en finale. Là où on ne vous attendait pas…
Hervé Renard: Nous, on croyait en nous, on n'a pas arrêté de répéter que l'objectif était de faire mieux qu'en 2010 (quart de finale, NDLR). Maintenant, on a franchi une marche supplémentaire et on est récompensé de notre travail. On n'est pas surpris d'être là et on ne change rien à notre comportement, notre philosophie. La seule chose qu'il y a dans notre tête, c'est que, cette finale, on veut la gagner.
Quelles sont les armes pour battre la Côte d'Ivoire ?
Notre arme, c'est notre détermination. On n'a peur de personne. On respecte beaucoup les Ivoiriens, on connaît la qualité des joueurs qu'on voit toutes les semaines à la télévision. Ils sont très solides défensivement et sont capables de faire la différence offensivement à tout moment. On est devant une montagne mais on a tellement de détermination qu'on n'a pas peur d'aller au sommet. Quand on perd une finale de Coupe d'Afrique, c'est très dur et on n'a pas envie d'être dans cette situation, que les gens nous disent: “Bien joué quand même”. C'est ce qui me mettra le plus en colère. Je n'ai pas envie d'avoir des regrets.
Comment avez-vous vécu ce manque de reconnaissance avant la CAN?
Avant la compétition, vous (les médias, NDLR) ne connaissiez pas mon nom ni celui de mes joueurs. J’ai débuté ma carrière de coach en 2000. Mon parcours est fait de hauts, de bas. Ça n’a pas toujours été facile. Quand vous n’êtes pas un nom du football, vous devez emprunter des chemins sinueux, plus compliqués. Vous ne pouvez pas commencer au plus haut niveau. Peut-être que lors de la prochaine CAN, je serai à nouveau devant vous et que vous me critiquerez à nouveau car j’aurai été éliminé au premier tour avec mon équipe.
Et les critiques?
J’ai été pas mal critiqué, c'est vrai. J’ai entendu beaucoup de choses, mais j’ai essayé de rester en dehors de tout ça. Je n’ai pas lu les commentaires sur les sites internet par exemple. Aujourd’hui, c’est facile pour vous de dire que je suis, avec François Zahoui, l’un des meilleurs coaches africains. C’est tout le contraire de ce qui a été précédemment dit. Dire que c’est une revanche pour moi par rapport aux commentateurs, aux observateurs, ce n’est pas exactement la vérité. Mais c’est la vie. Je suis un gagneur, un battant. Et si à l’extérieur je vois quelqu’un qui ne me respecte pas, je peux être terrible avec lui. Pour moi, il faut être correct tout le temps, respecter les règles.
Allez-vous changer en cas de victoire dimanche ?
Quand j'ai démarré ma carrière d'entraîneur à Draguignan, en CFA 2, à 29 ans, j'avais une entreprise de nettoyage. Je nettoyais les parties communes de certaines résidences et je sortais les poubelles aussi. J'ai fait ça pendant 8 ans. Je me levais tous les matins, cinq jours sur sept, à 3 heures du matin. Donc, vous savez, ce match contre la Côte d'Ivoire est facile par rapport aux gens qui travaillent de cette façon et qui gagnent quelque chose qui n'a rien à voir avec ce que, nous, on va peut-être gagner dans cette Coupe d'Afrique. C'était la meilleure chose qui puisse arriver dans ma vie. Et quand je suis dans un hôtel, quelque part, je pense à ces gens qui travaillent et à ceux qui parfois les méprisent parce que j'ai été à leur place.
Avec neuf buts marqués et zéro encaissé, cette équipe de victoire de Côte d'Ivoire est tout de même impressionnante…
A vous écouter, il est impossible de la battre! Autant rester chez nous alors… (rires) Vous savez, il est possible de perdre une CAN avec la meilleure équipe et la meilleure défense. Il est possible de perdre une CAN sans prendre de but.
Et la suite? Vous vous voyez aller à la Coupe du monde avec cette équipe?
Oui. (sourires) C'est le rêve de toute la Zambie, c'est le rêve de tout un pays. Un Mondial, c'est le rêve de Kalusha Bwalya. Une Coupe du monde, c'est une apothéose.
Vous voyez revenir en France un jour?
Je n'exclus pas l'idée de revenir. Je serais fou de dire non mais je ne reviendrai pas à n'importe quelles conditions. Ce que je vis maintenant, avec la Zambie, je ne suis pas sûr de pouvoir le vivre en Ligue 1. Mon but c’est d’avoir des émotions à travers le football. Je fais mon boulot pour gagner des matches comme celui proposé dimanche, pour garder un souvenir fantastique pour le reste de ma vie.