A la suite de la décision de la présidente de la Ligue féminine de football au Nigeria d’exclure de l’équipe nationale et des clubs du pays les joueuses lesbiennes, Audrey Keysers et plusieurs personnalité ont adressé une lettre ouverte à l’Ambassadeur du Nigeria en France, M. Akin O. Fayomi, pour condamner cette mesure. Entretien avec la membre du Conseil National du Parti Socialiste.
Quelle est votre démarche avec cette lettre ouverte envoyée à l'Ambassadeur ?
Lorsque l'on a été mises au courant de cette affaire d'homophobie au Nigeria avec Cécile Chartrain (association Les Dégommeuses) et Maguy Nestoret Ontanon (co-auteure de “Football féminin : La femme est l’avenir du football“, on s'est dit qu'il fallait faire quelque chose. On a donc décidé d'adresser cette lettre ouverte à l'Ambassadeur pour faire connaître notre position dans un premier temps. On a ensuite contacté les féministes et les sportifs de notre réseau qui ont voulu nous soutenir. Maintenant nous allons envoyer une lettre co-signée par des personnalités (Lilian Thuram, Marinette Pichon…), au Quai d'Orsay à Laurent Fabius (ministre des Affaires Etrangères) pour qu'il en soit informé et qu'on puisse avoir des réactions.
Charles Chevillard, journaliste spécialisé dans le football féminin
“Malheureusement, il n'y a rien de surprenant dans cette décision quand on connaît la situation au Nigeria. Il y a avait déjà eu des antécédents avec la coach de la sélection qui avait plusieurs fois évoqué “le problème” des lesbiennes dans son équipe.On sait tous qu'il y a de l'homosexualité dans le football féminin, au même titre que chez les hommes. En plus, les filles l'assument plus ! Ce n'est pas un tabou, après c'est de la sphère privée, il n'y a pas à l'étaler sur la place publique. On ne va pas aller interdire une personne de faire un sport à cause de sa sexualité. C'est désolant.” Quel rôle pour la FIFA ? “Déjà avec sa lettre envoyée à la Fédération nigériane la FIFA prend position. Elle a raison d'intervenir. Elle l'avait déjà fait sur des questions comme le port du voile en compétition, donc elle devait le faire aussi dans ce cas.” Quelle sanction prendre ? “Suspendre le Nigeria de toutes les compétitions, c'est ce qu'il faudrait faire. Après, là on entend parler que du Nigeria, mais ça existe dans d'autres pays. Il faudrait une mesure forte qui serve d'exemple aux autres nations.“ |
Vous vous attendez à quel type de réaction de la part de l'Ambassadeur du Nigeria ? De la France ?
D'abord, une prise de position pour pouvoir faire pression. On demande très officiellement que la Ligue nigériane revienne sur sa décision. On sait que ça ne changera pas les mentalités au sein du pays, mais au moins ce sera une prise de position qui fera avancer les droits des LGT (lesbiennes, gays et trans) dans ce pays car ils ne se sentent pas soutenus au niveau international. Même une simple prise de parole c'est déjà beaucoup pour les associations qui œuvrent sur le terrain.
Pourtant, ces problèmes d'homophobie au Nigeria ne sont pas récents…
Et c'est là le problème. On le dit d'ailleurs dans notre lettre à l'Ambassadeur du Nigeria en France. Les homosexuels sont victimes de violences quotidiennes.
Pensez-vous que la FIFA puisse faire revenir le Nigeria sur cette décision ? Doit-on sanctionner la Fédération et la Ligue ?
La FIFA a déjà envoyé un courrier pour condamner cette décision. Mais en terme d'efficacité ce qu'il faudrait, c'est qu'il y ait une menace claire d'exclure la sélection du Nigeria des compétitions internationales tant que cette décision restera en vigueur. Ce serait un signe fort.
En faisant aussi planer la menace sur celle des hommes qui sont champions d'Afrique en titre, histoire de mieux faire pression ?
Bien sûr, c'est ce qu'il faudrait. Tout les moyens de pression seront bons. Mais ce sera compliqué car la FIFA a déjà des réticences à s'exprimer sur le fait qu'il faut exclure les équipes féminines des compétitions internationales. Elle le sera encore plus pour le faire avec l'équipe masculine. Après, ce que nous voulons avant tout, c'est que le Nigeria revienne sur cette décision.
En cette journée du 8 mars, à quoi cette affaire vous fait penser ?
Qu'on s'aperçoit malheureusement à quel point cette journée est encore nécessaire. Raison pour laquelle le nom exacte de cette journée est : ‘journée de lutte pour les droits des femmes' et non ‘journée de la femme'. L'égalité homme/femme est encore loin d'être un acquis. C'est l'occasion de donner la parole à des personnes et à des associations qui luttent pour l'égalité.
Lire sur le sujet : “Le Nigeria à la chasse au Lesbiennes”
La lettre ouverte à l'Ambassadeur du Nigeria en France et co-signée par de nombreuses personnalités.