Le Bénin a validé sa qualification pour la phase finale de la CAN 2025 au Maroc, après le match nul (0-0) obtenu lundi en Libye. Mais les Guépards, et notamment le staff technique, ont été agressés après la rencontre. Gernot Rohr, le sélectionneur franco-allemand, témoigne en exclusivité pour Afrik-Foot.
Mardi en fin de journée, l’avion spécialement affrété par le gouvernement béninois pour rapatrier la sélection nationale de Tripoli s’est posé sur le tarmac de l’aéroport international de Cotonou. Encore marqué par les évènements de la veille et l‘enfer vécu en Libye, Gernot Rohr, le sélectionneur franco-allemand, dans une froide colère, a accepté de les évoquer.
Entretien réalisé par Alexis Billebault
Comment allez-vous après ces heures difficiles vécues au Stade du 11-Juin à Tripoli lundi soir ?
Un peu mieux, car nous sommes désormais en sécurité à Cotonou. Avec tout ce qui s’était passé lundi soir, le gouvernement du Bénin a pris la décision d’affréter un avion spécial pour venir nous chercher. Initialement, beaucoup de joueurs et de membres du staff technique devaient emprunter des vols, notamment de la Turkish Airlines, pour repartir dans leurs clubs ou chez eux. Mais personne n’était vraiment rassuré à l’idée de quitter l’hôtel pour se rendre à l’aéroport. C’est pour cela que les autorités béninoises ont envoyé un avion pour ramener tout le monde à Cotonou, d’où chacun pourra tranquillement repartir.
“Des membres du staff ont reçu des coups de policiers et de joueurs libyens”
Racontez-nous ce que vous avez vécu lundi…
Avant le match, tout s’était à peu près bien passé. Au niveau de l’accueil, des formalités douanières, il n’y avait rien à redire. Certes, la veille du match, on nous avait promis de nous fournir pour l’entraînement des ballons identiques à celui utilisé pour la rencontre, mais nous ne les avons jamais vus et on s’est entraîné avec les nôtres.
Avant le coup d’envoi, notre hymne a été sifflé, et même si je ne comprends pas l’arabe, on comprenait bien qu’une partie du public ne faisait que nous insulter. Et il y a eu des jets de projectiles en direction du banc de touche. Pendant le match, les joueurs libyens ont fait preuve de beaucoup d’engagement, mettaient la pression sur les arbitres, lesquels ont fait preuve, je tiens à le signaler, de beaucoup de caractère. On va dire qu’on s’attendait un peu à tout cela, mais pas à la suite.
Les choses ont-elles rapidement dégénéré ?
Oui. Nous venions d’obtenir ce match nul nous qualifiant pour la CAN au Maroc. On aurait aimé savourer cette performance, mais nous n’en avons pas eu le temps. En rentrant aux vestiaires, de nouveaux projectiles, notamment des bouteilles d’eau, ont été lancés par des spectateurs. Puis des membres du staff technique ont été agressés par des libyens, notamment notre analyste vidéo tunisien. Il a été pourchassé, notamment par le sélectionneur libyen (Nasser Al-Hadhiri, ndlr), et frappé par des individus. Puis nous avons réussi à nous enfermer dans notre vestiaire, pendant près de deux heures, le temps que ça se calme, mais à l’extérieur, c’était encore chaud, on entendait les insultes.
C’est juste honteux de la part de ce pays 😕 pic.twitter.com/f7EQbvoTYL
— Joueurs Béninois 🇧🇯 (@JoueursBJ) November 19, 2024
Que s’est-il passé dans le bus qui devait vous ramener à votre hôtel ?
Avant de monter dans le bus, sur le chemin menant des vestiaires à ce véhicule, les agressions ont repris, des membres de notre staff ont reçu des coups, par des policiers, mais aussi par des joueurs remplaçants libyens.
“Frappés par des policiers qui étaient là pour nous protéger”
Ces mêmes policiers qui ont donc distribué des coups de matraque lorsque vous étiez dans le bus…
Je ne sais pas s’il s’agissait des mêmes, mais plusieurs policiers sont montés à l’avant du bus, très agressifs. Comme j’étais assis au premier rang, j’ai pris un coup de matraque sur le bras. Puis d’autres membres du staff technique ont été frappés, dont Enrico Pionetti, l’entraîneur des gardiens, qui a reçu un coup à la tête. Un des membres de notre sécurité a lui-aussi été visé. Cela a duré quelques minutes, mais je peux vous dire que ça a été très long. En tout, il y a quatre personnes qui ont été frappées et blessées par des policiers lesquels, je le rappelle, étaient là pour nous protéger. C’est vraiment scandaleux.
Gernot Rohr, former #SuperEagles coach & present coach of Benin Republic was punched in the face along with other members of the Benin 🇧🇯 backroom staff by Libyan police last night.
Benin picked up the AFCON 2025 qualification ticket above Libya and Rwanda with a draw in Tripoli pic.twitter.com/vaSIpgZWlo— Abiola Shodiya 🇳🇬 (@AbiolaAbdul) November 19, 2024
“On ne peut pas jouer dans un pays où il n’y a pas de sécurité”
Quelle a été l’attitude du commissaire au match de la CAF ?
Ce monsieur, un Soudanais, a été minable. Il était totalement acquis à la cause libyenne.
Qu’attendez-vous de la part de la CAF, sachant qu’avant le Bénin, le Cameroun, le Nigeria et le Rwanda avaient rencontré des problèmes divers et variés ?
J’espère qu’il y aura un rapport et une enquête pour sanctionner ces actes inadmissibles. Ce n’est pas normal que des matches internationaux puissent se disputer dans un pays où il n’y a pas de sécurité ! Nous avons été agressés gratuitement, alors qu’il n’y a jamais eu la moindre provocation de notre part. J’espère que la CAF réagira sévèrement, car si rien n’est fait, d’autres sélections risquent de vivre la même chose que nous ! Nous sommes tous marqués, alors que nous venions juste disputer un match de football.
🇧🇯🇱🇾La réaction de Steve Mounié après le match.
🗣️”Ce pays, la Libye ne nous a pas respecté “#sna #Benin #AFCONQ2025 pic.twitter.com/xMHH74wlgR
— Sport News Africa (@snewsafrica) November 19, 2024