Jeux Olympiques 1988 : la gifle historique de la Zambie à l’Italie

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Après le Nigeria 1996 et le Cameroun 2000, suite et fin de notre série consacrée aux plus belles épopées africaines aux Jeux Olympiques avec la Zambie, qui a accompli l’un des exploits les plus retentissants du football continental, en humiliant l’Italie (4-0), lors des JO de Séoul en 1988. Un match historique, éclaboussé par le talent de Kalusha Bwalya, auteur ce jour-là d’un triplé. Flashback sur une démonstration de force mémorable.

Par Mamadou Oury Diallo,

Ce matin-là, décalage horaire oblige avec la Corée du Sud où s’est ténu le match, les Italiens ont dû frotter avec frénésie leurs yeux pour vérifier réellement que ce n’était pas un cauchemar. Que leur équipe nationale ne jouait pas face aux Pays-Bas de Gullit, en raison du maillot orange de l’adversaire, mais bien contre la Zambie, une sélection inconnue sur la scène internationale, mais qui va infliger à leur pays un affront historique aux Jeux olympiques de Séoul en 1988 : une défaite 4-0 !

L’ampleur du score est évidemment choquante. Surtout dans un pays où le football suscite un intérêt non négligeable. L’air hagard sur son banc, le sélectionneur de la Squadra Azzura, Francesco Rocca n’en revient pas. Ses hommes, qui évoluent pourtant pour la plupart sous les couleurs de l’AC Milan, de la Juventus Turin ou de Naples, sont malmenés, pendant quatre-vingt-dix minutes, par une bande d’inconnus, venue essentiellement en Zambie, à l'exception de deux-trois éléments expatriés en Belgique et en Suisse.

L’exploit est retentissant pour les Chipolopolos, surnom de l’équipe zambienne, et surtout amplement mérité tant la qualité de leur prestation a été, ce jour-là, immense à l’instar de celle d’un homme : Kalusha Bwalya. Rare joueur de l’effectif à évoluer en Europe, l’attaquant de 25 ans faisait les beaux jours du Cercle Bruges (Belgique), qu’il avait rejoint trois ans plus tôt.

«Nous nous sommes surpris nous-même»

Avant d’affronter l’Italie, celui qui est connu pour avoir une force de frappe redoutable du pied gauche avait ouvert son compteur, lors de la première journée contre l’Irak, match qui s’est toutefois terminé sur un nul frustrant (2-2). Pendant ce temps, les Italiens avaient éparpillé les modestes Guatémaltèques (5-2). Autant dire que l’allant et la confiance étaient transalpins au moment de cette opposition. Beaucoup d’observateurs présageaient une défaite de la Zambie. Ce qui relevait plutôt de la logique au regard du pedigree des deux équipes.

Mais la beauté de ce jeu, son charme fascinant, est qu’il nargue souvent la logique, faisant place à ce qui constitue son trait caractéristique : l’incertitude et la surprise. Les Chipolopolos vont en faire vivre l’expérience aux Italiens. Ce 19 septembre 1988, dans la chaleur moite du Stade Mudeung de Gwangju, à 270 kilomètres de Séoul, ils récitent en effet « [leur] meilleur football depuis au moins une décennie », témoignera quelques années plus tard Kalusha Bwalya au Monde.

Maîtrise technique, mouvement collectif coordonné, longue séquence de possession… L’impression visuelle dégagée atteste largement cette affirmation. Juste avant la pause, Bwalya fructifie la domination des siens en ouvrant le score d’un tir croisé à l’entrée de la surface (40e). La supériorité technique et athlétique prennent des allures de corrections en seconde période : l’attaquant du Cercle Bruges double la mise sur coup franc (55e), puis un homonyme, Johnson Bwalya permet à l’équipe de se détacher (63e), avant que Kalusha ne clôt le festival en s’offrant un triplé mémorable (90e). « Nous nous sommes surpris nous-même. Je pense que beaucoup de gens ont découvert l’existence de la Zambie ce jour-là ! », affirmera le héros du jour, qui va poursuivre sur la même lancée, en inscrivant un doublé lors du dernier match de poule contre le Guatemala (4-0).

Génération frappée par une tragédie

Devenus l’attraction du tournoi, les Zambiens voient toutefois leur épopée prendre fin en quarts de finale devant la République fédérale d’Allemagne (RFA) d’alors, future médaillée de bronze et victorieuse 4-0 : « Les Allemands se méfiaient sans doute de nous, après notre victoire contre l’Italie. Ils ont marqué très vite, ont profité de nos petites erreurs de concentration, mais cette défaite n’effacera jamais ce que nous avons fait en Corée du Sud. »

Sacré Ballon d’or africain de l’année en 1988 par le magazine France Football, Kalusha Bwalya n’aura malheureusement pas la chance de remporter un trophée avec la Zambie. Pire, cette génération – une des meilleures qu’à connu le pays – dont il fut la tête de gondole sera malheureusement frappée par une tragédie : le 27 avril 1993 à Libreville, l’avion transportant une partie de la sélection (sans K. Bwalya qui devait rejoindre la délégation via un vol depuis l’Europe) rate son décollage, s’enflamme puis s’écrase dans l’Atlantique.

L’équipe se rendait à Dakar pour affronter le Sénégal. Tous les passagers sont tués, dont dix footballeurs parmi lesquels six qui avaient participé aux JO de Séoul. Un drame inoubliable, qui sera, quelque peu atténué, 19 ans plus tard, par le sacre surprenant à la CAN 2012 à… Libreville. Comme un clin d'œil du destin pour tout un peuple, et pour Kalusha Bwalya, qui a pu savourer ce triomphe sur le fauteuil de la présidence de la Fédération zambienne de football.

Mamadou Oury Diallo

Kalusha Bwalya, Zambie
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