Jeux Olympiques 1996 : le triomphe historique de la génération dorée du Nigeria

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A l'approche des Jeux Olympiques de Paris 2024, Afrik-Foot vous met dans l'ambiance de l'événement en mettant à l'honneur les trois épopées africaines qui ont marqué l'histoire du tournoi. Premier volet ce dimanche avec le Nigeria, entré dans l’histoire du football africain en devenant la première nation du continent à remporter un grand titre international. C’était lors des JO d’Atlanta en 1996 aux Etats-Unis. Récit d’une épopée inoubliable.

Par Mamadou Oury Diallo

Le coup de sifflet final vient de retentir. Les deux bras levés vers le ciel, le visage submergé par l’émotion et la fierté, Nwankwo Kanu exulte. L’élégant milieu de terrain, aux jambes interminables, est aussitôt assailli par ses coéquipiers, sursautant et célébrant ce qui constitue LE véritable premier moment de gloire du football africain sur la scène internationale.

Le Nigeria venait de remporter le titre de champion olympique devant l’Argentine (3-2), au terme d’un scénario renversant, sous les yeux de près de 90.000 spectateurs au Sanford Stadium d’Athens. La consécration au bout d’un parcours admirable, ayant résisté à toutes les adversités à force de talents, d’abnégation et d’état d’esprit conquérant.

Nigeria, Jeux Olympiques 1996 Atlanta
© Iconsport

Privé de la CAN 1996

Pourtant, c’était loin d’être gagné. Car les Super Eagles ont débarqué aux Etats-Unis dans un contexte extra-sportif pesant. Quelques mois plus tôt, l’équipe nationale avait été privée de la CAN 1996 en Afrique du Sud par la junte au pouvoir, offusquée par l’embargo pétrolier actionné par Nelson Mandela suite à l’exécution de plusieurs opposants politiques à Lagos.

La décision fait évidemment l’effet d’un coup de tonnerre. Le Nigeria, tenant du titre, ne va donc pas défendre sa couronne conquise deux années plus tôt en Tunisie. Et sera, comme l’impose le règlement de la Confédération africaine de football (CAF), disqualifié pour l’édition suivante. Le rêve d’asseoir une suprématie sur le continent s’envole alors pour une génération dorée (Okacha, Amokachi, Ikpeba, Oliseh, Amuneke, Okechukwu), qui avait atteint, pour sa toute première participation, les 8es de finale du Mondial US 1994, éliminée avec les honneurs par le futur finaliste l’Italie.

Nigeria, Jeux Olympiques 1996 Atlanta
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Reste toutefois une opportunité pour briller : les Jeux olympiques d’été d’Atlanta de 1996. Réservé au moins de 23 ans, le tournoi de football offre cependant la possibilité de sélectionner trois joueurs plus âgés, ce qui permet à Daniel Amokachi (24 ans, Everton), Emmanuel Amunike (25 ans, Sporting Lisbonne) et Uche Okechukwu (28 ans, Fenerbahçe) de se glisser dans la liste des 18 éléments retenus par le sélectionneur néerlandais Jo Bonfrère. Ce dernier fait aussi appel à la nouvelle génération montante à peine majeure, mais qui a déjà remporté la Coupe du monde U17 en 1993 : Nwankwo Kanu (19 ans), vainqueur de la Ligue des champions avec l’Ajax, Celestine Babayaro (17 ans, Anderlecht) ainsi que Wilson Oruma (19 ans, Lens). Sans oublier l’inimitable Taribo West et ses dreadlocks colorés, qui viennent de s’offrir le doublé coupe-championnat avec Auxerre.

Puissance athlétique et maîtrise technique

L’effectif a fière allure. La sélection nigériane fait office d’outsider, l’étiquette de favoris étant attribuée à d’autres grandes nations de football comme le Brésil, l’Espagne, la France ou l’Argentine.

L’entrée en lice est bien négociée par les Super Eagles. Pour leur premier match, ils disposent de la Hongrie (1-0), grâce à Kanu, à la conclusion d’un joli une-deux avec Amokachi. La prestation n’est pas des plus abouties, mais l’essentiel est assuré, renflouant le capital confiance du groupe. Le deuxième match face au Japon, soldé par une victoire 2-0 (buts de Babangida et Okocha) , met en relief les préceptes de jeu d’un collectif bien huilé, porté vers l’offensive et s’appuyant sur sa puissance athlétique et sa maîtrise technique.

Pour le dernier match de poule, les Super Eagles affrontent le Brésil avec son escouade de prospect (Roberto Carlos, Rivaldo, Flávio Conceição, Juninho) et son comité de champions du monde 94 (Bebeto, Aldair, Ronaldo). Défait 1-0, le Nigeria accède néanmoins aux quarts de finale où il s’impose contre le Mexique (2-0), grâce à une frappe imparable à l’entrée de la surface de Jay-Jay Okocha et un pion de Babayaro, célébré par ses sauts périlleux insensés.

Nigeria, Jeux Olympiques 1996, Brésil, Ronaldo
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Force mentale insoupçonnée

En demies, les hommes de Bonfrère retrouvent… le Brésil. L’occasion de prendre une revanche. Mais la partie commence mal pour le représentant du continent. La Seleção prend les devants dès la première minute avec un coup franc malicieux, à ras de terre, de Flávio Conceição. En dépit de l’égalisation, vingt minutes plus tard sur un CSC de Roberto Carlos, le Nigeria craque coup sur coup et encaisse deux buts en l’espace de dix minutes.

3-1 à la pause. L’affaire semble entendue. Mais c’était sans compter sur le rejet de la défaite des ces Super Eagles-là et leur forces mentales insoupçonnées. Sur les sept buts qu’ils ont inscrits jusqu’ici dans le tournoi, quatre l’ont été dans le dernier quart d’heure.

Une marque de fabrique, à laquelle n’est pas étranger le technicien batave Bonfrère, dont le poste était pourtant menacé par la fédé à la veille de la compétition. Resté grâce au soutien de ses joueurs, le successeur de Clemens Westerhof (sur le banc lors du Mondial 94), allait se montrer particulièrement inspiré dans son coaching en lançant Victor Ikpeba (AS Monaco). Ce dernier inscrit le but de l’espoir (78e), avant un doublé de Kanu à la 90e, sur une inspiration de génie dans la surface, et à la 94e pour le but en or.

Le Brésil est à terre. Le rêve de sacre du Nigeria prend plus que jamais forme. Mais pour cela, il faudra surmonter un dernier obstacle et pas des moindres : l’Argentine, emmenée par une pléiade de stars confirmées ou en devenir (Zanetti, Ayala, Claudio López, Simeone, Crespo ou Marcello Gallardo).

Finish victorieux

Le scénario ressemble étrangement à celui contre les Brésiliens. Claudio López place l’Albiceleste en tête dès la 3e minute. Mais les Super Eagles ne se laissent pas impressionner et répliquent sur un coup de boule de Babayaro, rentré avec l’aide du poteau (28e).

« Nous pouvions rivaliser avec n’importe quelle autre équipe. Il y avait quelque chose en nos esprits qui nous faisait croire à une victoire finale, sans savoir cependant comment on y parviendrait… Aussitôt que l’Argentine a marqué le premier but, on ne s’est pas découragés… Amunike était capable de nous inscrire le but victorieux », racontera Taribo West à la BBC avec un zeste de prémonition.

Au retour des vestiaires, les Argentins repassent devant après un penalty très généreux accordé par le sifflet italien M. Collina et transformé par Crespo (50e). Les Sud-américains se dirigent alors vers la médaille d’or olympique. Mais le Nigeria n’abdique pas. Arrive le dernier quart d’heure, moment privilégié pour activer l’habituel finish victorieux. Amokachi égalise d’un lob astucieux dans la surface (74e), puis Amunike, sur la dernière action du match, crucifie l’Albiceleste sur une reprise au point du penalty. Le Nigeria est champion olympique. Nwankwo Kanu peut laisser éclater sa joie dans les bras des siens. Et l’Afrique tient enfin son premier titre majeur dans une grande compétition. Inoubliable.

Mamadou Oury Diallo

Nigeria, Jeux Olympiques 1996 Atlanta, Daniel Amokachi
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Mamadou Oury Diallo