La Libye, Kadhafi et le football italien

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Le ballon ne tourne plus rond en Libye: entre une CAN 2011 U20 déplacée, un championnat arrêté ou des histoires de corruption… le football n'est guère à la fête. Il faut dire que les Kadhafi, en matière de foobtall, ont plutôt les yeux tournés vers l'Italie, partenaire privilégié de son ancienne colonie.


En Libye, il n'y a pas que le peuple qui est pris en otage par Mouammar Kadhafi, “le chef et le guide de la Révolution de la Grande Jamahiriyya arabe libyenne populaire et socialiste”. Le football est également mis à mal par les troubles qui agitent le pays.

Ces évènements tragiques mettent ainsi en péril le football libyen. La Coupe d'Afrique des Nations des moins de 20 ans devait y être organisé, principalement dans les villes de Tripoli et Benghazi, deux cités parmi les plus touchées par la fronde des libertaires. La CAN U20 déplacée, c'est un nouveau coup dur pour une population fanatique de ballon rond. En ce qui concerne l'édition de 2013, celle des grands, rien n'est pour le moment arrêté. Difficile, cependant, d'imaginer les Drogba et autres Eto'o courir dans l'herbe verte dans un pays qui n'aurait rien de stable. Surtout après le fiasco angolais.

Saadi Kadhafi, fana de football

Les joueurs eux-mêmes vivent une période difficile. Prêté six mois cette saison par l’Etoile duSahel à l’Ittihad Tripoli, l’attaquant nigérian King Osanga (20 ans) n’a pas donné de nouvelles à ses proches depuis plusieurs jours. “Depuis le début des combats dans la capitale, je n’ai plus eu de nouvelles, même écrites, de lui. Nous ne pouvons utiliser le téléphone ou Internet, car les liaisons avec la Libye sont coupées”, a déclaré le père du joueur à la presse nigériane. Plus visible mais guère mieux loti, Cuthbert Malajila, attaquant zimbabwéen de Al Akhdar, qui est victime de racisme et ne cesse de clamer son envie de quitter le pays.

Mais le football local n'est pas la seule victime du règne du Colonel. Kadhafi et le Calcio, c'est une histoire d'amour. Kadhafi entretient en effet depuis longtemps des liens avec le championnat italien. Son fils, Saadi Kadhafi, a fait une éphémère carrière de milieu de terrain à Pérouse, à l’Udinese et à la Sampdoria, plus marquée par une incapacité totale sur le terrain et une condamnation pour dopage. Car Saadi agit plutôt comme un entremetteur: c'est notamment grâce à lui que la Super Coupe d'Italie déménage à Tripoli en 2002, afin de célébrer l’entrée du clan Kadhafi dans le capital de la Juventus de Turin, à hauteur de 7,5%. Quelques années plus tard, en 2005, la Vieille Dame signe un lucratif contrat de sponsoring maillot pour plus de 300 millions de dollars avec la Tamoil, la compagnie pétrolière libyenne.

Liens Italie-Libye

Saadi s'est même payé une équipe de football, Al-Ittihad, avec laquelle il a recruté quelques stars internationales. Patrick Mboma y a passé six mois entre 2002 et 2003: “Kadhafi joue avec les gens comme un enfant avec ses jouets, avec très peu de respect pour l’être humain”, explique le Camerounais sur les ondes de RMC. “Le fils fait au moins aussi peur que le père”, poursuit l'ancien joueur du PSG. “Les gens avaient peur de s’exprimer, de lever le petit doigt. Ça se répercutait même sur le terrain. Il fallait donner tous les ballons à Al-Saadi. Il ne fallait pas que les adversaires le fassent tomber. Les gens étaient tétanisés. Personne ne parlait. Un jour, il dit à un joueur qu’il allait guérir sa maman, malade. Mais comme il l’avait empêché de marquer un but, Al-Saadi a décidé de ne plus l’aider.”

De son côté, l’Italie entretient toujours des liens commerciaux privilégiés avec son ancienne colonie. De fait, de nombreuses entreprises italiennes ont investi en Libye. Et cela pourrait mettre sérieusement en danger le championnat italien. Kadhafi chassé du pouvoir, l'argent en provenance de ce pays pourrait être gelé, ce qui n'arrangerait pas les affaires de certaines d'entre elles. A commencer par Unicredit. La Libye possède 7,5% du groupe bancaire italien, choisi par la présidente de l’AS Rome, Rosella Sensi, pour vendre le club. Le Juventus, de son côté, se ronge les ongles: l'argent de Kadhafi avait beaucoup aidé le clan Agnelli quand le club s’était retrouvé en Serie B suite à l’affaire du Calciopoli. Si la part minoritaire du dirigeant libyen ne risque pas de freiner le club, il pourrait toutefois freiner son développement et faire pencher la balance des arbitrages financiers vers un peu moins d’optimisme.

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Ali Makhan