Les marabouts du foot millionnaires

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Les anciens hauts responsables de la Fédération sénégalaise de football sont soupçonnés d'avoir dépensé 90,5 millions de FCFA pour que les Lions de la Téranga bénéficient des services de marabouts. Au vu de la loi, cette pratique est illégale. La Cour des comptes, qui a découvert le pot aux roses, parle de « mauvaise gestion » et poursuit son enquête.


Les Lions de la Téranga ont bénéficié de l'aide de marabouts pour le Mondial et la Coupe d'Afrique des nations (Can) de football 2002, moyennant la coquette somme de 90,5 millions de FCFA (environ 137 966 euros). C'est le constat que fait un rapport de la Cour de vérification des comptes du Sénégal. Selon le quotidien Walf Fadjri, « 90,5 millions de francs ont été consacrés aux xoon (pratiques mystiques comprenant notamment des prières, ndlr) pendant aussi bien les éliminatoires que les phases finales de la Can et de la Coupe du monde 2002 ».

Une mauvaise gestion officiellement, mais un véritable détournement au point de vue légal puisque le ministère des Sports et la Fédération sénégalaise de football (FSF) n'ont pas les moyens d'allouer des fonds spécifiques aux xoon (prononcer ‘ron', ndlr). Toutefois, « certains joueurs croient en la puissance des marabouts et dépensent parfois des sommes énormes pour bénéficier de leurs services et éviter le mauvais sort. Mais l'argent investi est le leur, la Fédération ne finance rien », certifie Mbacké Seck, chargé de communication de la FSF.

Les suspects licenciés

Les quelque 90,5 millions de FCFA auraient été ponctionnés sur les fonds mobilisés pour ces deux compétitions et sur les ressources de la FSF. « Le président, le vice-président et le trésorier sortants de la FSF sont soupçonnés d'avoir mal géré les fonds pour la Coupe du monde 2002 », précise Mbacké Seck. A cause de cette affaire, leur mandat n'a pas été renouvelé le 3 octobre dernier lors de l'assemblée générale de la Fédération. Les trois hommes sont actuellement interrogés par la Cour des comptes.

L'enquête qui a permis de les confondre a commencé il y a déjà plusieurs mois. Les experts de la Cour ont mené une enquête suite à des doutes concernant la gestion de certains fonds. une enquête doublée d'un audit interne au sein de la Fédération. L'existence de détournements était donc déjà connue depuis un certain temps. Si la FSF n'a pas licencié plus tôt les responsables présumés du détournement, c'est parce qu'elle tenait à être certaine des charges qui pesaient à leur encontre. La confrontation entre les anciens dirigeants et les agents de l'instance financière, qui se refuse pour l'instant à tout commentaire sur l'affaire, servira à définir ce qu'il est advenu de l'argent.

L'honneur français sauf

Car le doute reste permis quant à l'affectation de l'argent à des marabouts devant donner un coup de pouce aux footballeurs. « Lorsque les gens détournent de l'argent, ils disent qu'ils ont payé pour des xoon parce que c'est invérifiable. Il n'y a pas de factures et le résultat des pratiques n'est pas démontrable », commente Mbacké Seck. La demande de services aux marabouts pourrait donc être une couverture pour dissimuler un détournement destiné à des fins personnelles et non professionnelles.

Quoi qu'il en soit, cette affaire devrait consoler certains supporters de l'équipe de France lors de la Coupe du monde 2002. L'Hexagone s'était en effet inclinée (0-1) face au Sénégal, qui participait pour la première fois à cette compétition. La défaite des champions du monde 1998 a donné lieu à de nombreuses spéculations. La plus connue étant que le Sénégal avait battu la France grâce au travail des marabouts.

Un discours largement relayé à l'époque dans les médias, d'autant plus que les Lions ont réalisé une belle performance. Ils se sont en effet hissés jusqu'en quart de finale de la Coupe du monde, où ils ont perdu (0-1) contre le prestigieux onze turc. Quelques mois plus tôt, les Sénégalais faisaient forte sensation sur le continent africain en arrivant, pour la première fois, en finale de la Coupe d'Afrique des nations. Ils avaient alors tenu en échec leurs adversaires camerounais pendant tout le match, avant de chuter aux tirs au buts (3-2). Une ascension qui, pour certains, semblait trop belle pour ne pas être surnaturelle.

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Habibou Bangré