Maroc-Ouaddou : “Je n’entends jamais les joueurs se remettre en question”

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Depuis son départ controversé du Qatar SC, pour finir par un bref retour à Nancy, Abdeslam Ouaddou n’a plus goûté à la compétition depuis janvier 2013. Sollicité par quelques clubs, le défenseur central, tout juste retraité, évoque dans une dernière partie la sélection marocaine ainsi que son compatriote Mehdi Benatia.


La situation du Maroc (aucun sélectionneur ni président) à moins d'un an de la CAN 2015 vous préoccupe-t-elle ?

C'est préoccupant oui, parce que pour un pays organisateur, se retrouver aujourd'hui sans sélectionneur à pratiquement un an de la compétition n'est pas signe de bonne santé. Une équipe a besoin de trouver des automatismes. Le sélectionneur doit aussi sentir et connaître ses joueurs. A ce niveau-là, le capital temps est très important. Le groupe a besoin de bien vivre ensemble, de trouver une cohésion. C'est à travers les dates FIFA que l'on peut créer cette cohésion autour du groupe. Le capital temps va très certainement manquer.

A qui imputer la faute ?

Il y a eu un manque de stabilité ces derniers temps mais je ne rejette pas la pierre sur qui que ce soit. J'entends par-ci par-là que la fédération n'est pas professionnelle, que les sélectionneurs ne sont pas bons. Par contre je n'entends jamais les joueurs se remettre en question. On a eu ces derniers temps des gens très compétents. On a eu un président, Ali Fassi Fihri, qui donnait de son temps, de son énergie pour restructurer, réformer certaines choses dans le football marocain.

Son équipe avait des projets au niveau de la formation des joueurs, de l'organisation des clubs. Le fait de changer beaucoup de sélectionneur dénote un réel manque de stabilité mais les joueurs de leur côté doivent réagir. Ils sont les premiers concernés sur le terrain. Le sélectionneur peut toujours apporter sa touche personnelle mais à un moment donné les joueurs sont censés prendre leurs responsabilités.

Le Maroc est-il paré pour se mettre en marche dans les années futures ?

C'est vrai que l'on traverse une crise passagère, pas forcément au niveau local comme l'a démontré le Raja Casablanca lors de la Coupe du monde des clubs. Cependant, au niveau de l'équipe nationale, nous restons sur une dizaine d'années de disette. Il y a un vivier très intéressant au Maroc. Maintenant, il faudrait que toute les instances du football marocain puissent travailler main dans la main pour une cause commune. Pourquoi ne pas se fixer des objectifs sur le long terme ?

C'est la solution ?

On a en général l'habitude de raisonner à court terme dans les pays africains. C'est-à-dire qu'au bout d'une compétition ratée, tout est remis en cause. Il faut raisonner avec l'esprit germanique. Depuis l'Euro 2000, l'Allemagne a tout remis à plat pour procéder à une vision sur le long terme. Laissons les gens travailler avec un projet bien établi pour ensuite en récolter les fruits. J'aimerais bien que l'on puisse construire sur du solide, notamment en investissant dans la formation. On éviterait des trous générationnels.

Il faut que Mehdi Benatia s'impose comme le leader naturel

Un petit mot sur Mehdi Benatia, capitaine des Lions de l'Atlas et occupant le même poste que vous joueur ?

Il faut lui tirer un grand coup de chapeau parce qu'il est dans un très grand championnat. En tant que défenseur, s'imposer dans un championnat aussi difficile prouve toutes ses qualités. Je lui souhaite de continuer à travailler pour encore gravir des échelons. Il n'a pas encore atteint toute sa maturité. Et n'oublions pas qu'il est un pilier de l'équipe nationale.

Lorsque je l'entends dire à la télévision qu'il y a un manque de stabilité au sein de la sélection, je voudrais qu'il prenne les devants en tant que capitaine pour devenir le leader naturel. Il doit amener tous ses coéquipiers et compatriotes derrière lui en leur expliquant les objectifs à atteindre et que l'on arrête ainsi de rejeter la faute sur les sélectionneurs. Les joueurs doivent tout simplement aider ces derniers à instaurer leur vision du jeu et leurs projets.

Vous lui conseillez donc d'être le liant entre les joueurs et le sélectionneur de par son expérience ?

Mehdi aura un rôle très important dès cette CAN 2015. Le Maroc a besoin de lui. Si j'ai un conseil à lui donner, je souhaiterais qu'il prenne davantage la parole au sein du groupe et dans le vestiaire. C'est une personne très respectueuse et bien éduquée. J'aimerais qu'il prenne plus de responsabilités puisqu'il a la légitimité de pouvoir s'exprimer dans un vestiaire, de pouvoir montrer le droit chemin à ses coéquipiers.

C'est un joueur talentueux. Pour avoir un peu parlé avec lui, José Anigo ne lui a pas fait confiance à l'OM. Tant pis pour eux, ils auraient actuellement bien besoin d'un défenseur de sa stature. Il a eu cette force de caractère de se dire “il ne compte pas sur moi à Marseille, je vais galérer un peu dans les divisions inférieures“. Dans une carrière, cela forge l'état d'esprit d'un joueur et c'est ce qui lui permet aujourd'hui de participer aux joutes du championnat italien avec calme et abnégation.

Retrouvez la première et la deuxième partie de notre interview avec l'ancien international marocain Abdeslam Ouaddou.

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Benjamin Pommereau