De passage à Paris, Kodjovi Obilalé, le gardien des Éperviers, blessé par balles lors de l'attaque du Cabinda, s'est confié à Afrik-foot. Aujourd'hui, handicapé à vie, l'ancien international togolais, 26 ans, dresse un bilan de sa situation.
Afrik-foot : Kodjovi, un an après l'attaque du bus, comment vous-sentez vous ?
Kodjovi Obilalé: Physiquement et moralement, ce n'est pas le top. Il y a des jours avec et il y a des jours sans. Ma douleur au dos ne me lâche pas. J'ai des tremblements et parfois je pète un plomb. Tous les jours, j'ai des soins avec mon kiné. Je ne suis pas bien dans ma peau. Je ne peux pas travailler ni faire de sport. Ce n'est pas une vie de rien faire. J'avais pourtant commencé une formation en informatique mais j'ai du arrêté à cause des médicaments. Les anti-douleurs me shootent trop. Je ne peux pas me concentrer, je fais donc un break le temps qu'on me change mon traitement.
Afrik-foot : Quels sont vos rapports avec la CAF et la Fédération togolaise de football (FTF)?
Je n'ai pas trop de rapports avec eux. La fédération ne prend pas spécialement de mes nouvelles. Ils ont juste payé mes soins hospitaliers. Quand à la CAF, ils ne m'ont jamais appelé ni même envoyé une lettre depuis l'attaque. Je leur en veux beaucoup. C'est eux qui nous ont exposé à ce risque. L'Angola est en guerre, c'est une zone dangereuse et ils organisent la CAN là-bas. Tout ça pour l'argent. J'avais l'intention de porter plainte mais la procédure risque d'être longue. Je ne sais pas si je vais le faire. C'est mon avocat qui se charge du dossier.
Afrik-foot : La FIFA vous a indemnisé de 72 000 € est-ce suffisant ?
72 000 €, c'est beaucoup d'argent. Je ne vais pas cracher dans la soupe mais ce n'est pas suffisant. Tous les jours, je souffre pour manger, pour me déplacer et même pour faire mes besoins. Personne n'est à ma place. Cet argent ne me redonnera pas ma vie d'avant et, dans quelques années, je n'aurai plus rien. La vie en Europe n'est pas la même qu'en Afrique. Ici, tout est cher. Alors, quand on a pas de rentrée d'argent régulière, cela pose forcément un problème.
Afrik-foot : Que répondez-vous à ceux qui vous soupçonnent d'en profiter pour vous enrichir ?
Beaucoup de personnes parlent sur moi. Ils disent que je veux devenir riche à cause de mon accident et me reprochent ma médiatisation. L'argent, ce n'est rien pour moi. Ce n'est pas parce que je souris que tous va bien. Je ne vais tout de même pas pleurer toute ma vie. Le foot, c'est tout ce que je savais faire. C'était ma vie, mon gagne pain. Aujourd'hui, je ne peux plus exercer. J'aurai préféré que la FIFA ou la CAF me propose un travail à vie rémunéré. Au moins je me sentirai utile et je serai à l'abri du besoin. Si j'étais un joueur de la renommé d'Eto'o ou de Drogba, je n'aurai pas eu le même sort. Pourtant, on tape tous dans la balle, on a la même passion.
Afrik-foot : Quels sont vos rapports avec les joueurs togolais ?
La plupart de mes anciens coéquipiers prennent régulièrement de mes nouvelles. Mais, quand on dit que le foot c'est comme une famille, c'est de la mythomanie. Une fois qu'on n'y est plus, on t'oublie aussi vite. Cet accident m'a au moins permis de savoir qui sont mes vrais amis. Je suis d'ailleurs assez proche d' Alaixys Romao, Moustapha Salifou, les frères Ayité et Emmanuel Adebayor. Ça me fait toujours plaisir de recevoir un coup de fil.
Afrik-foot : Suivez-vous les résultats des Éperviers en cette période de qualification pour la CAN ?
Je ne regarde plus mon équipe jouer. Je n'ai pas suivi les qualifications pour la CAN 2012, ça me fait trop mal au coeur. Pourtant, avant, lorsque je n'étais pas appelé en sélection, je me levais même la nuit pour voir un match. Je ne ratais rien. Maintenant, je ne suis plus dans le même délire. Les Éperviers, c'est terminé pour moi.