Patrice Neveu : “Le Sénégal n’a pas de limites”

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Patrice Neveu le confirme à Afrik-Foot : il est bien candidat au poste de sélectionneur du Sénégal. “Pas pour meubler, mais pour réussir”, nuance le technicien français qui dit avoir “faim de résultats”. Pour lui, au vu de leur potentiel, les Lions de la Teranga “se doivent d’être ambitieux”. Entretien.


Bonjour Patrice, comment allez-vous ? Six mois après votre limogeage du poste de sélectionneur de la Mauritanie, vous ne commencez pas à trouver le temps long ?

Si, forcément. Mais ça faisait un petit moment que je n’avais pas eu de coupure. J’en ai profité pour faire une remise en forme, tout en suivant la plupart des matches le week-end. Puis j’ai collaboré avec Canal+ pour la Coupe d’Afrique. J’ai bien sûr suivi tous les matches. Maintenant que la CAN est finie, il y a des mouvements et de nouveaux défis qui arrivent avec la prochaine CAN et les éliminatoires du Mondial. J’aimerais rebondir sur un challenge avec une équipe qui puisse avoir un potentiel intéressant.

Cette équipe peut-elle être le Sénégal ? Il paraît que vous êtes candidat à la succession d’Alain Giresse…

A priori il n’y a pas d’appel à candidatures lancé par la Fédération. Mais, après plus de quinze ans passés sur le continent, je suis effectivement intéressé par ce challenge. Naturellement, j’ai déposé mes documents. Je laisse faire les choses tranquillement. Quelle que soit la sélection, ce sont les échanges avec les dirigeants, la Fédération et l’Etat sur les objectifs et les moyens mis à disposition qui font qu’on peut finaliser une collaboration. Si j’y vais, c’est pour réussir. Pas juste pour prendre un poste et meubler. J’ai faim de résultats.

Se recentrer sur le collectif

Vous avez suivi la CAN attentivement. Qu’avez-vous pensé de l’élimination précoce des Lions de la Teranga ?

Après une première mi-temps difficile contre le Ghana lors du premier match, ils ont bien répondu en seconde période (2-1). Je les voyais au départ comme une équipe capable d’aller très loin. C’est vrai qu’ils sont tombés dans un groupe difficile. Mais, plutôt que de monter en puissance dans la compétition, leur jeu s’est un peu étiolé. C’était évidemment l’une des mauvaises surprises du premier tour. Tout le monde connaît le potentiel du Sénégal. Je pense qu’il y a des choses à recentrer pour pouvoir être performants. Ce groupe doit être en mesure de donner plus que ça.

Selon vous d’où vient le problème ?

Pour juger une équipe, je pense qu’il faut vraiment être à l’intérieur du groupe. Mais pour la Côte d’Ivoire par exemple, en tant que technicien, j’arrive à percevoir ce qui s’est passé à l’intérieur. Même si ça n’a pas été l’équipe la plus brillante dans le jeu, ça a en tout cas été la plus efficace. Dans une compétition de ce genre, c’est essentiel. Une équipe, c’est un collectif extrêmement sensible qui doit primer sur tout. Et je n’ai pas forcément senti ça autour de l’équipe sénégalaise.

Le Sénégal a fait une bonne phase éliminatoire, mais un tournoi c’est autre chose. Les joueurs vivent trois semaines-un mois ensemble, c’est une autre façon de coacher, de manager. Pour moi, le Sénégal est une nation à gros potentiel mais il y a inévitablement un rendement supérieur à donner en termes de résultats. Le coach qui sera désigné devra se poser les bonnes questions et faire avancer tout ce collectif.

“Le potentiel c'est une chose, mais…

Si c’est vous l’heureux élu, on imagine que vous aurez de grandes ambitions au vu du talent de cette génération ?

Je pense que le technicien qui sera choisi ne devra pas avoir de limites dans les objectifs. Cette équipe n’a pas de limites, elle est capable d’aller loin dans toutes les compétitions et elle se doit d’être ambitieuse. Cela passe par un rendement supérieur en termes d’efficacité. Le potentiel c’est une chose mais il faut le fructifier sur le terrain et qu’il soit rentable. Ça sera tout le travail du coach qui aura les destinées du Sénégal. Personnellement, j’ai mes convictions, mes idées, mais ce n’est pas la peine de les formuler dans la mesure où je ne suis pas en poste.

Avec Patrice Neveu sélectionneur, y’aurait-t-il une place pour Demba Ba, qui a récemment laissé planer le doute sur son avenir international ?

Manifestement, il était déçu. Mais je ne connais pas les fondements exacts du désaccord entre Alain Giresse et Demba Ba. S’il ne l’a pas pris, il avait sans doute ses raisons. Demba Ba est un joueur de qualité internationale. Aujourd’hui, on a affaire à des joueurs qui évoluent dans des grands clubs, qui sont des stars. Leur gestion doit être adaptée, même si tout le monde doit être traité sur un pied d’égalité. Il y a des règles à respecter. C’est au coach de les définir. Mais il n’y a pas de raison que Demba Ba ne soit pas performant. Après, cela reste à chaque joueur de le démontrer au cours des rassemblements et au cours des matches.

La passion en Afrique, un moteur

Pour Moustapha Bayal Sall (Saint-Etienne), la porte serait-elle ouverte également ?

La porte sera ouverte pour lui et pour d’autres. Il n’y a de fermeture pour personne. Si je suis choisi, peut-être que je ferai appel à des locaux (le Sénégal n'en comptait aucun à la CAN, ndlr). En tout cas, je le ferai en mon âme et conscience pour que l’équipe tire vers la gagne. Pour moi, l’un des grands symboles de cette CAN a été la parfaite gestion d’Hervé Renard dans son coaching et son management. On sait qu’il a été mis extrêmement en difficulté à une période. Malgré tout, il a gardé ses convictions, il a fait entrer des jeunes qui n’étaient pas forcément très connus. Il y a une concurrence qui s’est installée. Il a fait ses choix et, jusqu’au bout, ils se sont avérés payants. Il faut aussi souligner que la Fédération et l’Etat l’ont laissé travailler malgré quelques petites tensions.

Le débat porte aussi sur le positionnement de Sadio Mané. Si vous êtes nommé, envisagez-vous de le replacer dans l’axe, comme à Southampton ?

Tendre vers un équilibre efficace à 100% demande l’adhésion de tous les joueurs. Il faut être prêt éventuellement à les décaler à certains postes. Il faut voir la meilleure rentabilité du collectif par rapport au positionnement du joueur. Dans l’équipe de Côte d’Ivoire, Yaya Touré a reculé d’un cran pour le collectif. Est-ce qu’il faut décaler Mané ? Il est trop tôt pour le dire, cela ne se juge qu’au moment des matches et de la préparation. Tout joueur de haut niveau sénégalais doit se sentir à la fois indispensable mais aussi concerné par la concurrence. Il ne faut pas faire de fixation sur tel ou tel joueur. Au Sénégal, le potentiel est très large. On sait que les choix de l’entraîneur peuvent être remis en cause mais ça c’est vrai pour toutes les nations.

A ce sujet, trouvez-vous que la presse a été trop sévère vis-à-vis d’Alain Giresse ?

Quand on endosse la responsabilité de sélectionneur, que ce soit en Afrique, en Europe, en Asie, ou dans le monde entier, il faut savoir faire avec les critiques. Ça fait partie du métier. Les convictions doivent être au-dessus de tout ça. Il y a beaucoup de passion en Afrique. Pour nous, entraîneurs, c’est un moteur quand tout va bien. Il faut savoir l’accepter quand ça va moins bien. J’ai suffisamment d’expérience pour avoir vécu ça aussi.

Patrice Neveu : “Le Sénégal n’a pas de limites”

Romain Lantheaume

Je suis tombé amoureux du foot africain avec Didier Drogba, puis j’ai découvert Afrik-Foot en 2013. Depuis, nous ne nous sommes plus lâchés !