Avant le TPM, l’autre carrière de Rainford Kalaba

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Alors que Rainford Kalaba se trouve dans une situation critique suite à un grave accident de la route en Zambie, le monde du football africain retient son souffle pour l'un de ses joueurs les plus admirés. Connu pour ses exploits avec le TP Mazembe et son rôle clé dans la victoire de la Zambie à la CAN 2012, Kalaba a un parcours qui mérite d'être raconté bien au-delà de ses titres et de sa renommée.

Né le 14 août 1986 à Kitwe, en Zambie, Rainford Kalaba commence son aventure footballistique loin des projecteurs internationaux. Débutant sa carrière en 2003 au club d'Afrisports en seconde division zambienne, l'ex-joueur âgé de 37 ans évolue ensuite au Kitwe United en première division locale. Son talent ne passe pas inaperçu : le championnat zambien devient rapidement trop petit pour l'immense talent du bonhomme, auteur de 16 buts en 23 matchs pour son premier exercice en D1 alors qu'il est tout juste majeur.

Un modèle de résilience

À 18 ans, Kalaba est repéré par un recruteur lors d'un tournoi junior et reçoit une invitation pour rejoindre le centre de formation de l'OGC Nice en France. L'expérience sera courte – une demi-saison – et se soldera par un échec : avec seulement trois petites apparitions avec la réserve des Aiglons (en N2, soit la quatrième division française), Kalaba ne parviendra pas à s'imposer dans l'Hexagone. “J'aurais aimé y rester plus longtemps mais ça ne s'est pas fait. J'ai retenu une chose de mon passage là bas : l'importance de la force mentale. J'ai beaucoup appris de l'entraîneur d'alors“, confiait-il, il y a quelques années, au sujet de son séjour en Côte d'Azur. Sans doute trop jeune, trop tendre. Qu'importe, le meneur de jeu a de l'or dans les pieds et reviendra plus fort.

Après son échec Niçois, Rainford Kalaba choisit de retourner au pays pour se refaire la cerise. Avec le Zesco United, ce dribbleur technique et disposant d'une excellente frappe de balle remporte deux fois le championnat national (2007 et 2008) ainsi qu'une coupe de Zambie (2006). Il est alors temps de tenter de nouveau sa chance sur le sol européen. Recruté par le Sporting Braga en première division portugaise mais immédiatement prêté à Gil Vicente dans l'antichambre de l'élite, il y réalise un exercice honorable ponctué de 4 buts en 22 matchs de championnat. Kalaba semble enfin affûté pour le football en Europe.

De retour à Braga, le Chipolopolo n'aura toutefois pas sa chance et ne disputera aucun match avec la formation du Nord du pays, si ce n'est une apparition à Elfsborg (Suède) en Ligue Europa (ex-Coupe de l'UEFA). A la mi-saison, il est de nouveau prêté, cette fois en D1, à l'União Leiria. L'expérience ne sera guère plus fructueuse : trois maigres apparitions en championnat, pour tout de même un but inscrit. “Le football français était physique, le portugais plus tactique. J'ai appris des deux“, relativisait-il à l'époque. Rainford Kalaba a alors 24 ans, et décide de donner un nouveau tournant à sa carrière. De retour sur le continent, mais cette fois en RD Congo, il s'engage avec le TP Mazembe.

Il s'est forgé un palmarès XXL

Un club légendaire dans lequel il forgera lui-même sa propre légende. Le terreau idéal, en somme. En treize ans avec les Corbeaux, le milieu de terrain au gabarit de poche (1 mètre 65) deviendra une idole de l'iconique formation congolaise. Avec neuf titres de champion, quatre Supercoupe, une Ligue des champions de la CAF en 2015 et deux Coupe de la Confédération (2016 et 2017), c'est peu de dire que le gaucher a réussi son passage avec le TPM. Auteur de 74 pions en 243 matchs, il n'a raccroché les crampons que depuis l'été dernier, après plus d'une décennie à marquer de son empreinte le football national et continental. Le TPM avait d'ailleurs laissé entendre qu'il pourrait revenir dans un autre rôle à définir.

Plus jeune, Kalaba rêvait d'Angleterre et des Gunners d'Arsenal, mais son aventure dans le football européen ne s'est pas déroulée comme prévue. C'est sans doute difficile à concevoir pour ceux qui ont eu la chance de le voir évoluer lors de ses années faste au TPM et avec la Zambie, mais il faut aussi rappeler qu'il était (très) jeune lors de ses passages en Europe et n'est arrivé – à l'instar de nombreux joueurs – à maturité footbalistique qu'après. Quid de sa carrière sur le Vieux Continent s'il avait tenté l'aventure à partir de ses 27 ou 28 ans, avec un tout autre pedigree ? Personne ne le saura jamais, mais ce qui est sûr, c'est que personne non plus n'oubliera son aventure avec les Badiangwena.

Le “Mastero” des Chipolopolos

Si Rainford Kalaba fait assurément partie des légendes du TP Mazembe, c'est aussi le cas avec son pays. Quel magnifique joueur il aura en effet été sous les couleurs de la Zambie… Vainqueur surprise de la CAN 2012, une compétition durant laquelle il avait fait trembler les filets face au Sénégal lors du premier match (succès 1-2), délivré plusieurs passes décisives et été à l'origine de deux des trois buts face au Soudan (3-0) en quart de finale, Kalaba avait notamment figuré dans les remplaçants de l'équipe type du tournoi. Egalement vainqueur de la Coupe Cosafa en 2006 (finaliste en 2005 et 2007), cet ancien disciple d'Hervé Renard était notamment surnommé “Mastero” par ses coéquipiers.

Peut-être pas le plus expansif en dehors du terrain, il imposait assurément le respect par ses performances sur le rectangle vert. L'actuel sélectionneur de l'Equipe de France féminine avait d'ailleurs estimé à l'époque qu'il figurait dans le top 15 des meilleurs joueurs en Afrique. Venant d'un technicien aussi reconnu que Renard, difficile de ne pas accorder de crédit à cette déclaration élogieuse. Son ancien adjoint Patrice Baumelle, aujourd'hui au MC Alger, n'était lui non plus pas avare de compliments. “C'est comme le moteur d'une voiture. Sans lui, elle n'avance pas. Quand on le voit la première fois, on se demande qui il est, si c'est un jeune joueur dans l'équipe. Mais quand il touche le ballon, c'est… autre chose.” Une métaphore qui voulait tout dire.

Sois fort, Rainford…

Actuellement pris en charge à l’hôpital universitaire de Lusaka (UTH), Rainford Kalaba se trouve dans un état “critique mais stable” selon les propos rapportés dimanche par Nzeba Chanda, responsable en charge de la relation publique de l’hôpital. “Il n'y a pas grand-chose à dire, mais je suis sûr qu'ils font de leur mieux”, avait-t-elle ajoutée au travers d'une vidéo mise en ligne par AXE Zambia.

Comme l'indique Benjamin Umba sur son compte X, la tendance laisse place à un peu d'optimisme pour celui qui avait été annoncé mort dans un premier temps par le TPM. “L'état de santé de Rainford Kalaba commence à s'améliorer petit à petit. La respiration de l'ancien capitaine des Corbeaux devient normale. Il est conscient et a commencé à bouger les membres de son corps. Pour l’instant aucune urgence sur son évaluation à l’étranger, la Zambie se dit bien équipée pour prendre soin du Maestro” rapporte le spécialiste. En attendant de recevoir des nouvelles positives, c'est tout un peuple qui prie pour son idole. Courage, Rainford.

Avant le TPM, l’autre carrière de Rainford Kalaba

Anthony Olivier

Explorateur et gratte-plume du football africain, j'aime brosser le portrait des nouvelles pépites du continent.