Salaheddine Bassir n'a joué que neuf ans au plus niveau (1994-2003). Le temps de devenir le meilleur buteur de la sélection marocaine, de remporter le championnat d'Espagne, de marquer deux buts contre les futurs champions du monde français et d'échapper au piège saoudien grâce à la bienveillance de feu Hassan II.
29 mai 1998. Match amical Maroc-France au stade Mohammed-V. Ce soir-là, un Lion de l'Atlas, rapide comme l'éclair et rusé comme un renard, crève l'écran, éclipsant les Zidane, Djorkaeff et autres Deschamps. L'attaquant de poche (1m68), bien aidé par son coéquipier Abdeljalil “Camacho” Hadda, double passeur décisif, mystifie à deux reprises le gardien français, Bernard Lama, dont un lob majestueux du pied gauche.
Ce joueur, c'est Salaheddine Bassir, meilleur buteur des Lions de l'Atlas avec 25 buts en 50 sélections, qui, grâce à ce match, se fit connaître des spectateurs français.
Pourtant, un an plus tôt, le natif de Casablanca avait déjà lancé sa carrière en Europe, au Deportivo La Corogne (Espagne). Ayant notamment la chance de jouer avec deux autres légendes marocaines, Nourredine Naybet et Mustapha Hadji, Bassir fait une première saison satisfaisante avec 9 buts en 28 matches. Mais la concurrence est rude chez les attaquants du club galicien, avec l'Espagnol Diego Tristan, l'Uruguayen Walter Pandiani ou le Néerlandais Roy Makaay. De plus, Bassir a la santé fragile. Deux facteurs qui peuvent expliquer pourquoi le Lion de l'Atlas n'a pas réussi à s'imposer au “Depor”, même s'il y remporte la Liga en 2000 : “Les deux premières années au Deportivo se sont bien passées, expliquait-il à Maroc-football. Mais, à partir de la troisième, j'ai été souvent malade ou blessé et j'ai perdu ma place au sein de l'équipe“. D'autant qu'il avoue avoir fait des erreurs dans la gestion de sa carrière : « J'étais niya (naïf, NDLR) et je l'ai payé, regrette-il. J'acceptais avec plaisir de disputer un match d'équipe nationale un dimanche, au Nigeria, par quarante degrés, et d’enchaîner des entraînements le lundi après-midi en Espagne par moins dix degrés. Ça m'a certainement épuisé. Mais jusqu’à aujourd'hui, je ne me suis pas encore expliqué le secret de mes blessures systématiques, la veille des grands matchs“. D'ailleurs, la carrière de celui qui débuta au Raja Casablanca en 1994 a pris fin à cause d'une blessure récidivante au genou.
Bassir: “Le Roi m'a fait sortir de l'Arabie Saoudite”
Le Raja Casablanca et Bassir c'est un peu “Je t'aime, moi non plus”. Formé au club, l'ancien attaquant y occupe aujourd'hui un poste de conseiller technique. Mais, en 1995, il entre en rébellion contre ses dirigeants qui refusent de le laisser partir au club saoudien d'Al Hilal Riyad. Bassir expliquera plus tard que jouer en Arabie Saoudite était un choix par défaut : “J'avais des offres de clubs français que mon agent n'a pas traitées à temps et que j'ai donc ratées. En même temps, je commençais à avoir des ennuis avec le Raja quand le Hilal m'a fait une offre intéressante: 60 000 DH par mois au lieu des 3 000 du Raja pour une durée de deux ans. J'ai foncé pour deux raisons : d'abord, assurer un équilibre matériel à ma famille puis mettre un pied dans le monde professionnel.”
Bras de fer gagné, le Royaume du Golfe a failli devenir une prison dorée pour Bassir. C'était sans compter sur l'intervention du roi Hassan II : “Après notre qualification en Coupe du monde, Hassan II a donné une réception au palais en notre honneur. Le Hilal a refusé de me libérer. Remarquant que je n’étais pas là, le Roi a demandé après moi. Quand il a su les motifs de mon absence, il a demandé au général Housni Benslimane de me faire sortir d'Arabie Saoudite. Des contacts à haut niveau ont ensuite eu lieu et j'ai pu quitter le club après avoir payé une somme importante“.
Depuis la fin de sa carrière, le goleador du Roi s'est lancé dans diverses activités : il a ouvert un café, l'Amistad à Casablanca. Il s'est par ailleurs essayé au beach soccer, à l'instar d'Eric Cantona. Il a été également membre du jury de l'émission “Al Kadam Dahabi” (Le Pied d'Or), émission de télé-réalité marocaine qui a pour but de dénicher des nouveaux talents du football marocain. Un homme occupé donc, qui plutôt que de glisser vers la nostalgie, garde un œil fier sur sa carrière : “Dans le milieu, on dit souvent que “lkoura madaymach” (le foot n'est pas éternel). La carrière d’un footballeur a une durée limitée, comme d'autres professions d'ailleurs. Avant, j'étais très bien accueilli partout où j'allais, j'étais adulé. Aujourd'hui, c'est fini. Malgré tout, j'estime avoir quand même eu mon quart d'heure de gloire.”