Sénégal : le président Senghor allume le Maroc et la CAF

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Le Président de la Fédération Sénégalaise Football, Augustin Senghor, a livré ses quatre vérités concernant l'influence du Maroc sur la scène footballistique au sein du continent. Il accuse la Confédération africaine de football (CAF) de se laisser faire et pointe un manque de diversité flagrant lié à la domination d'une minorité du continent qui ne “représenterait” pas toute l'Afrique.

Défait lors du scrutin du 12 mars 2025 pour un siège au Conseil de la FIFA, Augustin Senghor a récolté seulement 13 voix sur 53. Un camouflet pour celui qui était jusqu’alors 1er vice-président de la CAF : cet échec marque un net recul de l’influence sénégalaise dans les instances continentales, au profit d’un axe MarocÉgypteMauritanie désormais bien ancré au sommet du football africain.

Un coup de gueule sans filtre contre le Maroc

Invité sur la chaîne 2STV, le patron du football sénégalais a décidé de parler sans détours. Pour lui, ce revers politique trouve son origine dans une domination organisée par un groupe de dirigeants arabes, avec Fouzi Lekjaa, président de la Fédération marocaine de football, comme figure centrale :

« À ce niveau-là, il y a une certaine catégorie de dirigeants africains, ceux du monde arabe, il faut dire les choses telles qu'elles sont. Quand on parle du Maroc, du président de la FRMF (Fouzi Lekjaa), je dirais que ce n'est pas le dirigeant qui est fort, mais le Maroc qui a su imposer une position incontournable à la Confédération africaine de football. »

La CAF a jeté toutes les fédérations africaines dans les bras du Maroc

Pour l'homme politique, la CAF a largement contribué à installer cette domination marocaine, quitte à sacrifier l'équilibre entre les différentes régions du continent.

« La CAF a jeté toutes les fédérations africaines dans les bras du Maroc. Accepter ça, cela ne veut pas dire se soumettre à ça. Il est hors de question que moi je le fasse en tout cas. Ce n'est pas une question d'opportunisme. Cette soumission, ça serait pour entrer à la FIFA ou présider la CAF. »

Un refus clair d’entrer dans le jeu d’allégeances qui semble désormais régner dans les arcanes du football africain. Le président de la FSF s’est également insurgé contre certaines pratiques qu’il juge contraires à l’éthique sportive, à commencer par l'habitude prise par le Maroc de jouer à domicile les matchs censés se dérouler sur le terrain de ses adversaires, dépourvus de stade homologué, à l'image du Niger récemment.

« Quand on voit le Niger qui accueille le Maroc au Maroc, oui, ça me pose problème. Le fait de prendre en charge l'équipe adverse pose un problème d'éthique. Il faut qu'on réfléchisse à comment régler ça. »

J'ai l'impression qu'on parle plus de la Coupe arabe que des compétitions africaines”

C’est ensuite une attaque frontale contre le mode de gouvernance de la CAF que livre Augustin Senghor, citant notamment Patrice Motsepe, président de l’instance.

« J'ai échangé par message avec Patrice Motsepe. Je lui ai demandé, en regardant ceux qui étaient élus (au sein de la CAF), si c'était vraiment l'égalité et l'équilibre prônés et recherchés par nos ancêtres, c’est-à-dire les premiers présidents, les chefs d'État, jusqu'à Mandela. »

L’ancien maire de Gorée se désole d’un système verrouillé, largement dominé par une seule composante géographique et linguistique du continent.

« En plaisantant, je disais à quelqu'un : ‘J'ai l'impression qu'on parle plus de la Coupe arabe de la FIFA plutôt que des compétitions africaines’, alors que Dieu sait qu'on a des problèmes. »

« 10% de l’Afrique qui représente 90% à la FIFA »

La sentence est sans appel. Pour Augustin Senghor, la CAF a cessé d’être représentative, et la démocratie au sein de l’organisation n’est plus qu’un mirage.

« Il n'y a plus de diversité. On peut douter de l'existence de cette démocratie. Il est intolérable que ces 10% de l'Afrique représentent à la FIFA 90% du reste du continent. Ce n'est pas acceptable ! »

L’homme fort du football sénégalais appelle enfin à une prise de conscience plus large, impliquant les décideurs politiques.

« Nos chefs d'États ont un rôle à jouer. On souhaite que les intérêts occidentaux soient moins présents pour continuer à assurer notre souveraineté en Afrique, ça passe par ça aussi ! »

Par cette sortie médiatique très inhabituelle dans le microcosme feutré du football africain, Senghor dénonce une hégémonie marocaine et arabe, qui serait désormais entérinée par la CAF elle-même selon lui. Reste à voir si ce coup de gueule trouvera un écho… ou s’il restera isolé.

Sénégal : le président Senghor allume le Maroc et la CAF

Hicham Bennis

Couteau suisse adepte du sport africain. Un peu de TV chez L'Équipe, et beaucoup de presse écrite chez Befoot, Libé, La Depêche du Midi...