Kodjovi Obilalé a survécu aux balles des indépendantistes cabindais mais l'ancien gardien du Togo vit très mal l'oubli. Alors qu'il tente de se reconstruire, il a confié à Afrik-foot son désarroi d'être ainsi mis de côté par la fédération et le gouvernement togolais : “Il faut que cela bouge !”
“Aujourd'hui, je suis un mort vivant.” Interrogé par Afrik-foot, Kodjovi Obilalé n'y va pas par quatre chemins pour évoquer sa situation. L'ex-gardien du Togo, victime d'une fusillade lors de la CAN 2010 en Angola, en a marre : il se sent abandonné par le gouvernement du Togo.
“Depuis mon accident, rien n'a été fait. Cela fait un an que je suis sans nouvelle“, explique l'ancien portier des Eperviers. A 25 ans, sa carrière s'est brisée net lorsqu'il reçoit une balle dans le dos et une autre dans l'abdomen alors que la sélection togolaise passe par la province indépendantiste du Cabinda pour se rendre à la Coupe d'Afrique des Nations 2010, organisée en Angola. Plus d'un an plus tard, Obilalé enrage. “Quand j'étais à l'hôpital, en Afrique du Sud, tout le monde se pressait autour de moi pour me soutenir, pour faire leur pub. Aujourd'hui, où sont-ils ? On m'avait promis de s'occuper de moi, de m'aider…” En réalité, le Togo a participé pour moitié aux frais d'hôpitaux de l'ancien international, complétés par les $100 000 qu'Obilalé a reçu de la FIFA.
Mais, de tout cet argent, il ne reste plus rien. “J'ai une famille, j'ai deux enfants, comment je fais, moi ? Je n'ai plus de salaire, je n'ai plus rien, peste-t-il. Je ne demande pas l'aumône, juste qu'on me soutienne et que l'on ne m'oublie pas. Je suis monté dans ce but pour le Togo, pour défendre mon drapeau. Je ne suis pas monté tout seul dans ce bus : je n'y suis pas monté pour aller à la guerre mais pour défendre le Togo. Il y a des individus qui n’ont tout simplement pas de cœur. Honnêtement, si je m’appelais Samuel Eto’o ou Didier Drogba, ça ne se serait pas passé comme ça. Tous les joueurs devraient être traités de la même façon. On tape tous dans le même ballon. Moi, aujourd'hui, je traîne mes béquilles…” Plus d'un an après le drame du Cabinda, qui a également coûté la vie au chargé de communication et à l'entraîneur adjoint, Kodjovi Obilalé n’a toujours pas avalé la pilule.
Mais, plus que l’argent, c’est l’attitude de certains dirigeants qu’Obilalé met en cause. “Les jours, les semaines, les mois passent… Cela fait plus d'un an et rien ne bouge ! On espère que cela va s'enterrer tout seul. Ils se foutent de ma gueule. Où est passé l'argent de l'assurance que la fédération togolaise avait souscrit ? Si cela avait été un joueur français, tout aurait été réglé. Et depuis longtemps. Là, il n'y a rien qui bouge. Il faut que cela change ! J'ai envie de crier ! C'est toujours la même chose avec cette fédération : dès qu'un joueur est blessé, on l'oublie. C'est un crime que le Togo est en train de commettre. Je ne suis pas un matelas gonflable qui n'a plus d'air et que l'on peut jeter comme ça… Quand à la CAF, ils ne m’ont jamais appelé ni même envoyé une lettre depuis l’attaque. Je leur en veux beaucoup. C’est eux qui nous ont exposé à ce risque. L’Angola est en guerre, c’est une zone dangereuse et ils organisent la CAN là-bas. Tout ça pour l’argent.”
Heureusement, Dodi, comme l'appellent ses amis, peut compter sur l'UNFP, l'Union Nationale des Footballeurs Professionnels. Ce syndicat français l'aide en effet à trouver une formation pour pouvoir, enfin, entamer sa reconversion. “Ce sont des gens géniaux. Je n'étais pas pro, mes problèmes ne les regardent pas mais ils m'aident quand même. Cela fait chaud au cœur“, assure Obilalé dans un sourire.