Les médias ivoiriens ont déclenché l’alerte rouge. Ils ont annoncé un peu vite qu’Abidjan devrait probablement recevoir le prochain Trophée des Champions français, devant opposer le PSG à l’AS Monaco, au mois de janvier. Mais le désir ne reflète pas toujours la réalité !
Chaque année, la Ligue de Football Professionnelle (LFP) aime à diriger son Trophée des Champions vers l’étranger. Pour mieux conquérir un autre public, générer des droits TV internationaux et toucher quelques recettes supplémentaires. Quelques mois après une CAN très réussie, la Côte d’Ivoire a donc fait acte de candidature en avril, au même titre que la RDC et la Chine. Une idée venue de Francis Ouégnin, bien connu des « actionnaires » de l’ASEC et déjà dans le concept d’une précédente édition au Gabon.
Mais, pour ce match de prestige prévu le 8 août, c’est finalement la destination asiatique qui avait eu le dernier mot, sans doute plus parlante pour le champion de France, le PSG, grand habitué des tournées estivales orientales. Pourtant, peu après, le club parisien a finalement décidé de faire une pause côté tournée. Sans doute en raison de l’enchaînement Euro-JO qui pouvait occuper de nombreux joueurs et amoindrir son effectif. Et comme le PSG est ultra-influent sur le calendrier français, pas de Pékin au programme donc. Et report annoncé du Trophée des Champions début juillet.

En effet, il n’était plus temps d’organiser ce match ailleurs au mois d’août. L’occasion pour Abidjan, mais aussi Kinshasa, de reconduire leur candidature pour un match qui pourrait, cette fois, être placé en janvier prochain… A priori, la LFP et les clubs sont plutôt favorables à une destination lointaine. Comme cela se fait beaucoup côté Liga et Serie A vers l’Arabie Saoudite. En effet, ce match de prestige entre le champion de France (en général, le PSG) et le vainqueur de la Coupe de France représente bien peu de recettes supplémentaires en France. Difficile de demander aux abonnés de rajouter au pot pour un match certes prestigieux, mais trop peu décisif.
Un Trophée des Champions à 4 clubs dès 2025
Et ce, même quand l’affiche est plutôt ronflante comme cette année. Le PSG ayant également remporté la Coupe de France, c’est le 2e de Ligue 1 qui bénéficie de la place. D’où un PSG-Monaco attrayant ! Au reste, la LFP a déjà prévu de booster encore ce Trophée des Champions en adoptant une formule avec quatre équipes dès 2025/26. Dans l’espoir d’attirer des organisateurs étrangers et de… l’argent. Comme le royaume saoudien qui a investi quelques 30 millions d’euros annuels sur la Supercoupe d’Espagne jusqu’en 2029. A ce jour, la RDC est déjà candidate pour ce format. Mais avec des stades bien loin du niveau ivoirien…
Evidemment, la Liga a un avantage considérable sur la France. Avec une formule à quatre clubs, elle est quasi-assurée d’avoir et le Real et le Barça présents. Et une finale souvent en forme de « clasico ». La Ligue 1 n’offre guère ce type de certitude, en dehors du PSG. Même dans une formule à quatre clubs, l’OM ne serait ainsi pas de la partie pour cette saison après sa 8e place en 2024.
Mais si la LFP n’en est pas au niveau de la Liga, le Trophée a déjà bien voyagé depuis 2009. Il a visité le Canada, le Maroc, les USA, la Chine, l’Autriche et Israël. Et il a même déjà fait une incursion en Afrique centrale du côté de Libreville en 2013. Comme la Côte d’Ivoire cette année, le Gabon était encore dans l’euphorie de la CAN 2012. Et le Stade de l’Amitié Sino-gabonaise d’Angondjé avait encore une pelouse…
Les finales des CAN 2012, 2017 et le trophé des champions 2013,se sont joués sur l'aire de jeux du Stade de l'amitié de LBV. En 2019,la tonte de la pelouse se fait à la débroussailleuse.Quel gâchis. 😔#GABON cc @Mansour_Loum pic.twitter.com/uoblzrqeLk
— ken edgard (@edgard_ken) October 15, 2019
Placé dans cette dynamique football positive, l’Etat gabonais avait obtenu ce match PSG-Bordeaux (35.000 spectateurs !) en mettant les moyens avec près de 4 millions d’euros investis. De quoi pousser les deux clubs français à faire ce long voyage pour disputer cette seule rencontre. Mais un long procès avec les « Black Stars », association à l’origine de l’idée Gabon, avait sans doute détourné, depuis lors, la LFP de revenir en Afrique subsaharienne.
L’optimisme forcé des médias ivoiriens
Alors, qu’est-ce qui fait écrire le très officiel journal Fraternité Matin que Abidjan abriterait « probablement » le match PSG-Monaco ? L’argument premier du journal est peu contestable : la qualité des infrastructures démontrée lors de la CAN est un atout de poids pour Abidjan. Et ce, même si le Stade Olympique Alassane-Ouattara d’Ebimpe est sans doute le moins réussi des 6 stades de la CAN 2023. Mais c’est aussi le plus grand avec ses 60.000 places. Et il est clair que le PSG (même si l’OM demeure sans doute le plus populaire en Côte d’Ivoire) peut attirer beaucoup de monde à Abidjan. Au même titre que le champion d’Afrique Wilfried Singo qui évolue à Monaco.

Mais reste tout de même beaucoup de chemin avant de crier victoire pour la Côte d’Ivoire. A la LFP, aucune parole officielle à ce stade. Mais on confirme « off » que le dossier ivoirien est « top » et qu’on « adorerait » y disputer le Trophée des Champions. Mais on juge aussi le calendrier extraordinairement délicat.
En effet, la trêve de Noël est défendue mordicus par le syndicat des joueurs, l’UNFP. Ensuite, la dernière journée des matches aller se déroule dès le week-end du 4 janvier. Avant une autre journée qui précède les 1/16e de finale de Coupe de France, en semaine le 15 janvier. Le tout avant un enchaînement de deux tours de Ligue des Champions (disputée par les deux clubs en présence) les 22 et 29 janvier.
En clair, la LFP est devant un casse-tête infernal. La seule date possible serait le 7 ou 8 janvier, soit en pleine semaine dans une période déjà surchargée. Connaissant la mentalité française, on peut d’ores et déjà affirmer qu’il y a une chance infinitésimale que les deux clubs acceptent de venir à Abidjan (ou à Kinshasa) à une telle date.
Merci la CAF !
Les spectateurs africains peuvent remercier, ici encore, la CAF et ses atermoiements de calendrier. Car l’UEFA aurait-elle osé placer fin janvier deux nouvelles journées de phase de groupe de Ligue des Champions si la CAF avait gardé la case janvier-février tous les deux ans comme avant l’annonce funeste de 2017 ? En acceptant de décaler la CAN à l’été, la CAF avait ouvert le champ à une séquence catastrophique d’annonce et de désannonce de sa compétition majeure. Tout ça pour jouer une seule CAN en été, en Egypte 2019…
En ne bloquant pas la date de l’été 2025 pour l’édition marocaine, donc en choisissant de subir le calendrier FIFA de la Coupe du monde des clubs, elle a ouvert définitivement la voie à une Ligue des Champions rallongée en janvier. Ce qui rend aujourd’hui quasi impossible l’organisation du PSG-Monaco en Afrique cet hiver.
Il est donc probable que tout cela finira comme l’hiver dernier. Suite à l’abandon des organisateurs thaïlandais à l’été 2023, le PSG-Toulouse de l’an dernier avait également été reporté. Tout cela s’était fini en catimini début janvier au Parc des Princes. Sans âme, ni suspense… Nul doute qu’un PSG-Monaco à Abidjan aurait eu un autre ressort cet hiver…
