Les gens aiment Zidane. Les journalistes aussi. Le capitaine de l'équipe de France de football a été élu lundi meilleur joueur de la Coupe du monde de football par les journalistes accrédités Fifa, malgré le coup de tête qu'il a asséné en finale de la compétition à l'Italien Marco Materazzi. Une nuit après cet épilogue, la presse internationale prend son « coup de folie » avec plus ou moins d'indulgence.
Il avait tout montré de lui durant cette Coupe du monde de football, sauf ça. Une partition parfaite contre le Brésil, comme un match en demi-teinte face à la Suisse, des passements de jambes avec passes dans les intervalles, un but revanchard contre l'Espagne, son pays d'adoption, un penalty décisif face au Portugal… Mais pas de geste de colère envers ses adversaires. Pas d'essuyage de crampons, comme en 1998, en Coupe du monde, sur un défenseur saoudien, ou de coup de tête, comme en 2000, en Ligue des Champions, sur l'Allemand Jochen Kientz. Car Zidane, c'est aussi ça. Un point faible capable de l'handicaper dans n'importe quel match à enjeu, mais qui contribue à sa légende. Car c'est lui. Ceux qui attendaient l'issue de la partie pour savoir dans quelle catégorie de « grands joueurs » le ranger l'avaient oublié.
Jusqu'à la 110è minute de la partie, le génial milieu de terrain avait devant lui une voie royale pour quitter le football sans avoir à nous le rappeler. « Panenka » magistrale tentée en finale et réussie contre le meilleur gardien de la compétition, bonne orientation du jeu, sortie sur blessure et retour avec des élans de « Kaiser Franz » (Beckenbauer), jusqu'à cette tête détournée par Buffon à la 104è minute de jeu. Six minutes plus tard, le sang-froid qui lui a permis de tromper le gardien italien en début de partie lui a manqué pour ne pas répondre aux provocations de Marco Materazzi. Et ne pas lui asséner un violent coup au plexus. Selon The Guardian, le footballeur d'origine algérienne aurait été traité de terroriste par le défenseur italien, alors que TV Globo (Brésil), qui a engagé un spécialiste de lecture sur les lèvres, affirme que les injures portaient « sur la soeur » de Zinédine Zidane.
Ni Ali, ni Maradona : Zidane
« Zidane n'avait pas le droit de laisser les Bleus à dix. Il n'avait pas le droit de finir comme ça, contraint de vivre la fin d'une finale de Coupe du monde dans la solitude d'un vestiaire. Il n'avait pas le droit de laisser au monde, comme dernier geste de sa vie de footballeur, le souvenir de ce coup de tête », regrette L'Equipe, qui se demande comment expliquer ce geste aux millions d'enfants alors devant leurs postes de télévision. Le seul quotidien sportif français se montre même plus dur, en édito, et semble avoir définitivement classé le champion, auquel il s'adresse directement, dans l'histoire du ballon rond : « Par instants, en ce Stade olympique de Berlin où s'est écrite l'histoire du monde, vous étiez même Ali, l'ultime génie des rings. Le plus grand. Mais ni Ali, ni Pelé, ni Owens, ni aucun monstre sacré de leur dimension, de celle que vous étiez sur le point de rejoindre, n'ont ainsi enfreint les règles les plus élémentaires du sport ». Et Maradona ?
Le journal parle d'un « geste irréparable et difficilement pardonnable ». Il le pardonnera. Dès dimanche soir, Franz Beckenbauer préférait rappeler que « Zidane est réellement un homme très réservé et pacifique. Materazzi doit bien lui avoir dit quelque chose », cherchait-il à comprendre. Sepp Blatter, le président de la Fifa, qui n'a eu de cesse de réclamer du jeu offensif durant le tournoi, pensait plus au joueur, qui devait « souffrir ». « Ca me fait mal au cœur. Je ne peux l'absoudre, mais je peux le comprendre », a-t-il déclaré. Son capitaine et partenaire du Mondial 1998, Didier Deschamps, rappelle simplement que « ça lui est déjà arrivé durant sa carrière. [Et que] les Italiens le savaient ».
« Zidane est fou, mais pour la Fifa, c'est lui le meilleur »
Sans doute les pays qui l'ont le plus connu et aimé se permettent-ils d'être plus durs avec lui. Le quotidien sportif madrilène Marca, qui avait demandé à la sélection espagnole de mettre Zidane à la retraite, avant de revenir à la réalité et à de meilleurs sentiments, regrette qu'il soit « devenu fou ». « Un ‘crack' du football comme Zidane ne devrait jamais perdre ses nerfs de cette manière, quand bien même le libéro italien l'aurait titillé avec des commentaires. A 33 ans et une carrière si excitante, Zidane s'est comporté comme un adolescent et a dit au revoir au sport auquel il a tant apporté par la petite porte. » Plus au nord, le quotidien sportif barcelonais As trouve le geste « impardonnable, indigne du dernier ‘crack' le dernier match de sa carrière (…) Hier, le grand Zidane est devenu plus petit. Ah, le football ! ».
A quelques coups de rame de là, le quotidien brésilien O Globo, tombé en pamoison devant ‘Zizou' après son récital face à la Seleçao, tempère le geste de celui qui a été élu lundi meilleur joueur de la Coupe du Monde par la Fifa. « Une perte de sang-froid impensable a marqué le dernier match du crack Zinedine Zidane sur la pelouse. Lui, dont on se souviendra toujours pour ses brillantes actions, pour ses buts décisifs, va aussi laisser enregistrée dans la mémoire de millions de supporters l'image de la tête dans la poitrine de Materazzi. » Alors que L'Equipe reproche au capitaine français de ne pas être revenu sur le terrain soutenir ses compatriotes, à l'issue de la séance de tirs au but, et prendre sa médaille, O Globo imagine que c'est « sans doute par honte » qu'il n'est pas réapparu.
En Algérie, le journaliste d'El Watan, peut-être atteint de cécité, estime que « Zidane a fait ses adieux au football en écopant d'un carton rouge dont l'arbitre de la rencontre aurait pu largement se passer eu égard au parcours du joueur ». Les journalistes du Corriere della serra, qui ont pu se repasser l'action à volonté et en proposent photos et vidéo à leurs lecteurs, préfèrent écrire en titre que « Zidane est fou, mais pour la Fifa, c'est lui le meilleur. » Pas seulement pour la Fifa.
Trophée Ballon d'or (Fifa) : Zinédine Zidane 2.012 votes, Fabio Cannavaro 1.977 et Andrea Pirlo 715
Soulier d'or (meilleur buteur) : Miroslav Klose (All.) avec 5 buts
Meilleur jeune : Lukas Podolski
Meilleur gardien : Gianluiggi Buffon
Trophée du fair-play : Brésil et Espagne